Taïwan : que cherche à faire la Chine en simulant un "bouclage" militaire de l'île ?
Le ministère de la Défense taïwanais annonce avoir détecté 11 navires de guerre et 59 avions chinois autour de l'île. Les manœuvres chinoises, démarrées samedi pour trois jours, ont atteint leur paroxysme lundi 10 avril dans le détroit de Taïwan. Elles sont une réaction à la rencontre, mercredi dernier, de la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen avec le président de la Chambre américaine des représentants, Kevin McCarthy.
En termes de diversité et de quantité de moyens militaires mobilisés en mer, dans le ciel ou à terre, il semble que cette opération, baptisée "Joint sword" ("épée commune") est bien plus importante que les manœuvres d'août dernier, déjà qualifiées à l'époque de "sans précédent".
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Des exercices à balles réelles
Des tirs réels ont été opérés au large de l’île chinoise de Pingtan, un petit archipel de 450 000 habitants. Le site a été choisi symboliquement : c’est le point le plus proche depuis la Chine des côtes taïwanaises, situé à 130 kilomètres environ des côtes de Taiwan et 190 km de la capitale Taipei.
La télévision centrale chinoise annonçait parallèlement que des avions de chasse simulaient des frappes sur des cibles qualifiées d’importantes à Taïwan. La télévision précisait que ces avions transportaient des munitions réelles. Parmi eux, des bombardiers à capacité nucléaire, armés, eux aussi, avec des missiles réels.
L'île de Taïwan a été complètement encerclée. Les forces chinoises étaient présentes dans le détroit, mais aussi de l'autre côté de l'île, à l'Est, où a été positionné le Shandong, deuxième porte-avions de la marine chinoise. Le Japon, qui a surveillé l’opération de très près, assure avoir observé 120 décollages et atterrissages sur le porte-avions, appareils de chasse et hélicoptères.
Objectif : boucler le territoire
L’objectif, selon les termes officiels, est de simuler un "bouclage" de ce territoire de 23 millions d’habitants. Une dimension très opérationnelle destinée à accentuer la pression sur le gouvernement indépendantiste au pouvoir à Taipei. Ce n'est pas la première fois que la Chine mène des manœuvres militaires dans le détroit de Taïwan. Celles de l'été dernier avaient même été beaucoup plus impressionnantes après la visite à Taipei de l'Américaine Nancy Pelosi.
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Au nom du principe d'une seule Chine, le régime communiste considère comme insupportable tout contact officiel entre Taïwan et les États-Unis. C'est une "ligne rouge", et c'est pour cette raison, qu'à chaque fois, Pékin apporte une réponse ferme et visible. "En nous concentrant sur la capacité fondamentale de préparation au combat et de destruction efficace, nous sommes prêts à l'action avec des bombes opérationnelles", a assuré lundi matin un porte-parole de l'armée chinoise, Deng Yong.
"Nous avons la confiance et la force pour faire face à toutes sortes de situations complexes et difficiles afin de contrecarrer toute forme d'ingérence de forces extérieures et de tentatives visant à obtenir l'indépendance de Taïwan."
Deng Yong, porte-parole de l’armée chinoiseà franceinfo
Un avertissement alors que le déploiement d’un destroyer américain lundi matin en mer de Chine méridionale ressemblait fort à une réaction aux manœuvres chinoises à Taïwan. La marine américaine a évoqué une opération de liberté de circulation dans le respect du droit de la mer, mais Pékin parle d’incursion et a aussitôt dépêché l'armée de l'air dans le secteur pour surveiller le navire américain.
Menaces et séduction
Mais la Chine n'est jamais allée au-delà de ces manœuvres : elle n'a pas vraiment intérêt à se lancer dans un conflit armé aux conséquences hasardeuses qui pourraient frapper de plein fouet l'économie chinoise. Alors, en attendant, le régime entretient une sorte d'ambiguïté sur Taïwan. Xi Jinping disait en octobre dernier vouloir privilégier une solution pacifique, mais sans jamais, avait-il dit, renoncer à l'usage de la force et à défaut de parler avec les dirigeants taïwanais.
La Chine espère plutôt convaincre la population de l'île. Dans une récente offensive de charme, Pékin a promis qu'après la réunification, l'île pourrait conserver son mode de vie, avec un degré d'autonomie élevé. Les Chinois considèrent la réunification avec Taïwan comme une priorité absolue, mais ils n'ont, à ce jour, fixé aucune échéance officielle.
La paix dans le détroit de Taïwan et l'indépendance de l'île sont incompatibles, a averti lundi le gouvernement chinois, au troisième jour d'exercices militaires dans cette zone. "L'indépendance de Taïwan et la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan s'excluent mutuellement", a ainsi déclaré Wang Wenbin, porte-parole du ministère des Affaires étrangères lors d'un briefing régulier. " Si nous voulons protéger la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan, nous devons nous opposer fermement à toute forme de séparatisme pour l'indépendance de Taïwan", a-t-il ajouté.
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