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Qu'est-ce qui se cache derrière la "diplomatie du panda" ?

La chancelière allemande, Angela Merkel, et le président chinois, Xi Jinping, se retrouvent au zoo de Berlin, mardi, pour la présentation de deux pandas avant l'ouverture du sommet du G20 à Hambourg. Une rencontre avec des plantigrades qui n'a rien d'anodin.

Article rédigé par franceinfo - Louise Bugier
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Jiao Qing, panda mâle de 7 ans, séjournera avec sa congénère Meng Meng dans la capitale allemande pendant quinze ans, avant de regagner sa Chine natale. (DPA)

Pandas super-stars. Avant de retrouver les autres chefs d’Etat à Hambourg (Allemagne) les 7 et 8 juillet lors du sommet annuel du G20, la chancelière allemande Angela Merkel et le président chinois Xi Jinping feront d’abord un détour par Berlin pour se retrouver en grande pompe autour de Meng Meng et Jiao Qing.

Deux pandas débarquent en Allemagne
Deux pandas débarquent en Allemagne Deux pandas débarquent en Allemagne (REUTERS)


Derrière ces noms, qui signifient en chinois "Petit rêve" et "Petit trésor", se cachent les deux pandas géants qu’accueille le zoo de Berlin depuis le 24 juin. La Chine n'a envoyé ces ambassadeurs spéciaux que dans une douzaine de pays. Mais pourquoi ces animaux ont-ils droit à autant d'honneur et d'attention ? Franceinfo a essayé de comprendre les dessous de la "diplomatie du panda".

Une tradition qui remonte au VIIe siècle

Berlin n’est pas la première destination des pandas chinois, loin de là. Depuis le VIIe siècle et la dynastie Tang, la Chine utilise les pandas géants comme cadeau, afin d’entamer ou d’entretenir des relations internationales. Mais c’est depuis Mao Zedong que les pandas géants sont devenus des diplomates à part entière.

En 1972, Richard Nixon est le premier président des Etats-Unis à rendre une visite officielle en Chine. Pour contribuer à la normalisation des relations entre les deux pays, Mao offre alors à Washington deux pandas géants. La tradition prend ainsi une dimension extrêmement symbolique. Selon Samuel Richer, responsable du programme Asie de l'Institut Open Diplomacy, contacté par franceinfo, cela consacre un "renversement d'alliance car la Chine s'éloigne de l'URSS pour se rapprocher des Etats-Unis".

Pour Samuel Richer, il y a une "concomitance entre le prêt de panda à l'Allemagne et la tenue du sommet du G20". La Chine "aime le symbole pour mettre en scène ses relations diplomatiques", et pour ce faire, "quoi de mieux qu’une photo avec des pandas !" Concernant ce rapprochement avec l’Allemagne, Samuel Richer précise que la Chine tient à développer cette relation car, avec le Brexit, le rôle du Royaume-Uni, partenaire traditionnel, va s’amoindrir en Europe et "l'Allemagne est donc amenée à devenir un acteur encore plus important au sein de l'UE”.

Un moyen de faire passer des messages

A un autre niveau, le panda contribue également à l’expansion du "soft power" (le pouvoir de convaincre sans la force) chinois. Le plantigrade, que les Chinois surnomment "guo bao" ("trésor national"), "donne une image rassurante de la Chine (...) et colle à la doctrine de 'l'émergence pacifique' promue par le précédent président chinois", indique Samuel Richer. Même les noms des pandas ne sont pas anodins : "Ceux envoyés au Japon étaient ainsi nommés Ping Ping et An An, ce qui signifie 'paix', tandis que ceux envoyés à Taïwan s'appelaient Tuan Tuan et Yuan Yuan, ce qui veut dire 'réunion'."

Si le prêt de panda reste totalement symbolique, en diplomatie, cela a "une importance toute particulière", précise le consultant. "Taïwan a ainsi refusé de recevoir un panda en 2006 car les conditions dans lesquelles il était offert auraient pu faire penser que Taïwan acceptait d'appartenir à la Chine."

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Les plantigrades permettent aussi d’envoyer des messages à la Chine. En 2012, un panda avait failli provoquer une crise diplomatique avec le Japon, lorsqu'un responsable japonais avait suggéré de baptiser le bébé né de l'union des deux pandas prêtés par la Chine du nom des îles Senkaku, que se disputent les deux pays. Cette plaisanterie, jugée de très mauvais goût par Pékin, a failli provoquer une "affaire d'Etat".

Un baromètre des relations internationales

Depuis 1990 et la classification comme espèce en danger par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), la Chine ne donne plus, mais "prête" ses pandas. Lorsqu’un zoo souhaite en acquérir, la démarche est donc compliquée. L’équipe du ZooParc de Beauval ( Loir-et-Cher) a dû faire des pieds et des mains pendant six ans pour accueillir un couple de pandas dans son zoo en 2012.

Une lettre du président de la République, des entrevues entre les officiels des deux pays, des allers-retours de l’équipe du zoo en Chine… "Le panda est symbole de paix et de confiance entre deux pays. A tel point que l’avancement du dossier a varié selon les relations sino-françaises", confie Delphine Delord, codirectrice du zoo, contactée par franceinfo.

Ainsi, en 2008, en amont des Jeux olympiques de Pékin, la flamme olympique est passée à Paris. Les incidents se sont enchaînés : manifestations pro-Tibet, pour les droits de la presse ; sit-in de certains députés devant l’Assemblée... Alors que Paris critiquait la répression chinoise au Tibet, Nicolas Sarkozy rencontrait le dalaï-lama. Ces relations tendues ont fragilisé, pendant un temps, le dossier du zoo de Beauval. "Les Chinois ne nous ont jamais dit non, raconte Delphine Delord. Mais on a senti qu’à certains moments, les relations étaient tendues, à un niveau qui dépassait l’aspect zoologique."

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