: Reportage "Deux ou trois surdoses par soir" : Au Canada, Montréal victime à son tour du fentanyl, drogue de synthèse très puissante
On dénombre de plus en plus de consommateurs du fentanyl au Canada, un opioïde qui fait des ravages aux États-Unis. À Montréal, plusieurs overdoses ont lieu chaque jour, dont certaines mortelles : depuis janvier, Santé Montréal, un réseau de prévention, compte 14 morts d’overdose par mois. Dans le quartier des spectacles de la ville, des hommes au visage hagard errent régulièrement sur un bout de trottoir. "On doit avoir deux ou trois situations de surdoses par soir", Alex Berthelot, de l'association Cactus Montréal. Il s'occupe d'une salle de consommation supervisée. Ici, les consommateurs prennent leur cachet ou s'injectent leur drogue plus en sécurité.
Un homme de 39 ans, en sevrage depuis dix jours après des années d'héroïne et du fentanyl, témoigne qu'en trois ans, il a fait plus d'une vingtaine de surdoses. "La prochaine fois où j'allais consommer, ça allait peut-être être la dernière. Peut-être que j'allais mourir."
Le fentanyl, plus fort et moins cher que l'héroïne
Le fentanyl est une drogue de synthèse. Les consommateurs ne savent pas exactement ce qu'il y a dedans. C'est souvent coupé avec d'autres stupéfiants. En ce moment, c'est la xylazine, utilisée pour anesthésier les chevaux. "Tu peux avoir un rush qui est exactement identique à l'autre, puis ça va être dix fois plus fort du jour au lendemain", raconte ce même ancien consommateur. "Moi, j'avais beaucoup moins peur quand c'était juste de l'héroïne, parce que tu n'avais pas le côté où tu perds connaissance, avec des convulsions. Mais ça m'est déjà arrivé. Ça fait peur."
Le basculement dans cette crise des surdoses, c’est la pandémie de Covid et les confinements, explique Julie Laflamme Desgroseillers, de l’organisme Profan 2.0.
"Avec la fermeture des frontières, il y a eu une rareté de l'héroïne. Le fentanyl a pris toute la place, plus fort, moins cher."
Julie Laflamme Desgroseillersà franceinfo
La situation est pire en Colombie-Britannique, à l'ouest du Canada, où les autorités ont dépénalisé cette année la possession en petites quantités de certaines drogues dures. Louis Letellier de St-Just est avocat en droit de la santé. "Pour le reste du pays, le Canada vit dans une autre loi, qui est celle de la déjudiciarisation, explique-t-il. La possession simple de drogue, c'est une question de santé. Le gouvernement canadien l'a reconnu. C'est donc un changement de cap majeur au Canada. Mais on vit quand même une crise nationale. Pourquoi n'avons-nous pas une seule législation, qui serait celle de la décriminalisation ?"
Associations et chercheurs interpellent le gouvernement pour mieux encadrer la consommation d'opioïdes et éviter une aggravation de la situation. Comme aux États-Unis, où plus de 100 000 personnes sont mortes d'une surdose en 2021.
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