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Les condamnations de Lula annulées : l’ex-président "continue d'être extrêmement détesté par un tiers de la population", affirme une spécialiste du Brésil

Selon Maud Chirio, la décision de la cour suprême est une "décision politique". Elle précise que pourtant le juge qui l'a prise est un conservateur "pas du tout proche du Parti des travailleurs".

Article rédigé par franceinfo
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L'ex-président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, le 18 février 2020. (SERGIO LIMA / AFP)

Maud Chirio, maîtresse de conférence en histoire contemporaine à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée et spécialiste du Brésil a estimé mardi 9 mars sur franceinfo que l'annulation des charges contre l’ex-président Lula par un juge de la Cour suprême au Brésil "est un signe politique plutôt qu'une décision purement juridique". Mais, selon elle, l'homme du Parti des travailleurs "continue d'être extrêmement détesté par un tiers de la population". Sa participation à l'élection présidentielle dépend de sa capacité à créer "des stratégies d'union" avec les autres partis de gauche et du centre.

franceinfo : Est-ce une décision inattendue ?

Maud Chirio : Elle est relativement inattendue. C'est une demande qui a été faite par des avocats de Lula en novembre dernier. Cela fait longtemps que la procédure est en cours. L'incompétence du tribunal et en particulier du juge Moro est déjà avancée par la défense en 2016. C'est seulement maintenant, cinq ans après que la Cour suprême la reconnaît. Il s'agit d'une décision politique. Cela fait un certain temps que la justice brésilienne s'est détachée de considérations strictement juridiques et réagit à la situation politique. Que la Cour suprême s'éloigne de ce que souhaite l'exécutif fédéral est un signe politique plutôt qu'une décision purement juridique.

Jair Bolsonaro dit que le juge de la Cour suprême qui a pris cette décision a un "lien fort" avec le Parti des travailleurs. Est-ce vrai ?

Ce n'est pas du tout le cas. C'est un juge très conservateur qui était un grand défenseur des procès "Lava Jato", des grands procès anticorruption qui ont lieu depuis 2014. Ce n'est évidemment pas du tout quelqu'un qui est proche du Parti des travailleurs, mais Bolsonaro a tendance à considérer que tous ses adversaires politiques sont soit des membres du Parti des travailleurs, soit plus généralement des communistes qui est le grand mot valise qui sert à désigner tous les opposants.

Luiz Inacio Lula da Silva va-t-il pour autant se présenter à l'élection présidentielle ?

C'est encore très incertain. Lula a dit depuis sa libération qu'il choisira ce qui semble le plus propice à éloigner du pouvoir l'extrême droite. Cela va dépendre de la dynamique d'union à gauche, car le PT n'est pas seul à gauche et pour qu'un camp non lié à l'extrême droite, qui peut aller jusqu'au centre droit, l'emporte, il va falloir des stratégies d'union. Ce sont des équilibres qui vont être à construire. Lula est un grand négociateur. Il a une grande capacité d'entre gens, mais il fait l'objet d'une détestation à l'égal de l'affection qui lui est portée par une partie des catégories populaires. Il maintient à la fois un attachement dans les catégories populaires que d'autres figures progressistes n'ont jamais reconquises. Mais également, c'est une figure extrêmement détestée. Il continue d'être extrêmement détesté par un tiers de la population. Et donc, c'est compliqué, car on ne sait pas de quel côté va pencher la balance des perspectives électorales. Ce que disent les derniers sondages, c'est que l'espoir qu'il représente est en train de prendre le pas sur le souvenir du rejet qu'il a suscité.

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