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En images Philippines : la guerre meurtrière du nouveau président contre la drogue

Depuis l'arrivée au pouvoir de Rodrigo Duarte, des centaines de personnes sont mortes, tuées par la police ou des civils jouant les justiciers. La photo d'un homme abattu dans la rue à Manille illustre tristement cette guerre sanglante contre le crime.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Jennilyn Olayres et le corps de son compagnon, Michael Siaron, abattu dans une rue de Manille (Philippines), le 23 juillet 2016. (NOEL CELIS / AFP)

Des hommes abattus en pleine rue et des cadavres mutilés retrouvés dans des terrains vagues : après l'élection de Rodrigo Duterte, pourfendeur du crime, la terreur grandit dans les bidonvilles philippins à mesure que le bilan humain s'alourdit. Pendant sa campagne, l'ex-maire de Davao avait promis d'en finir en six mois avec le trafic de drogue et la criminalité qui rongent son archipel en tuant si nécessaire des milliers de criminels.

Un mois après son investiture, l'objectif n'est pas atteint mais l'arrivée au pouvoir de cet avocat au discours ultrasécuritaire a déchaîné une impressionnante vague de violence. Des centaines de personnes sont ainsi tombées sous les balles de la police ou de civils jouant les justiciers avec la bénédiction du président.

Jennilyn Olayre serre le corps de son compagnon, Michael Siaron, mort dans la rue à Manille (Philippines).  (NOEL CELIS / AFP)

Un cliché résume les excès de cette campagne : éclairée par les lumières des caméras de télévision, sous l'œil horrifié des badauds agglutinés derrière les rubans jaunes de la police, une jeune femme accroupie dans une rue serre le corps sans vie de de son compagnon qui vient d'être abattu par des inconnus.

Jennilyn Olayres tient le corps de son compagnon tué le 23 juillet 2016 à Manille (Philippines). (CZAR DANCEL / REUTERS)

"Mon mari était innocent. Il n'a jamais fait de mal à personne", affirme une semaine plus tard Jennilyn Olayres en évoquant Michael Siaron, un conducteur de cyclopousse âgé de 30 ans. Ses assassins avaient jeté près de son cadavre un morceau de carton où était écrit en gros caractères : "Vendeur de drogue".

A côté du cadavre d'un présumé dealeur de drogue abattu le 8 juillet 2016 à Manille, un carton où est écrit : "vendeur de drogue". (NOEL CELIS / AFP)

Des civils qui se font justice eux-mêmes

Des chiffres communiqués cette semaine par la police indiquent que 402 personnes soupçonnées de trafic de drogue ont été tuées depuis l'arrivée au pouvoir de Rodrigo Duterte le 30 juin. Un bilan qui n'inclut pas les meurtres commis par des civils. La principale chaîne de télévision aux Philippines rapporte de son côté que 603 personnes ont été tuées, dont 211 par des hommes armés inconnus.

Les raids policiers contre de présumés repaires de trafiquants font des morts chaque nuit. Si les autorités affirment que tous les suspects tués étaient armés et ont été abattus car ils s'opposaient à leur arrestation, les meurtres commis par des civils sont également légion. Certaines victimes sont abattues en pleine rue, tandis que des corps sont découverts au petit matin dans des terrains vagues, le visage recouvert de gros scotch, souvent avec un écriteau à proximité les accusant de s'adonner au trafic.

Jennilyn Olayres, près du corps de son compagnon, abattu dans une rue de Manille (Philippines), le 23 juillet 2016.  (CZAR DANCEL / REUTERS)

Le nouveau président s'amuse de la situation

Fin juillet, Rodrigo Duterte a encore défendu l'intransigeance contre le crime, la ligne sur laquelle il avait été élu. Au passage, il a qualifié la photographie illustrant la douleur de Jennilyn Olayres après l'assassinat de son époux de parodie de La Pietà, sculpture de Michel-Ange représentant la Vierge tenant sur ses genoux le Christ descendu de la Croix.

Présenté comme un dealer, Siaron était loin d'avoir le train de vie d'un baron de la drogue. Le taudis de tôle et de contreplaqué dans lequel il vivait avec Jennilyn Olayres était perché dans un équilibre précaire sur des poteaux dominant un égout à ciel ouvert. "Parfois, on essayait volontairement de dormir tard pour n'avoir à se soucier que du déjeuner et du dîner", a-t-elle confié avant les funérailles de son époux. Michael Siaron, révèle-t-elle, faisait partie des 16 millions de Philippins qui ont voté pour Rodrigo Duterte en mai.

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