Ce que l'on sait du manifeste attribué au suspect des attentats contre deux mosquées en Nouvelle-Zélande
Quarante-neuf personnes sont mortes vendredi dans les attaques terroristes menées dans deux lieux de culte musulmans, à Christchurch. Quelques heures plus tôt, un manifeste raciste de plus de 70 pages revendiquant les attentats a été mis en ligne.
L'auteur des attaques terroristes qui ont visé deux mosquées à Christchurch (Nouvelle-Zélande), vendredi 15 mars, n'a toujours pas été identifié officiellement. Il s'agit d'un ressortissant australien, décrit comme un "violent terroriste d'extrême droite" par le Premier ministre australien Scott Morrison. Une vidéo des attaques, des photos de munitions et un manifeste revendiquant l'attentat ont toutefois été publiés sur les réseaux sociaux, par des comptes portant le même nom, Brenton Tarrant. Les autorités ont admis leur existence, mais n'ont pas encore authentifié les documents.
Franceinfo a pris la décision de ne pas les publier. Mais voici ce qu'il faut retenir de ces documents.
Qui est l'auteur présumé du manifeste ?
Le suspect est un Australien de 28 ans, identifié, sur Facebook et Twitter, sous le nom de Brenton Tarrant. Dans un manifeste mis en ligne avant les attentats contre les mosquées de Christchurch, il se présente comme un "homme blanc ordinaire", issu d'une "famille modeste" et dont les parents sont d'origines "écossaise, irlandaise et anglaise". Il insiste à plusieurs reprises sur cette ascendance européenne.
Dans une liste de questions/réponses publiée dans son manifeste, il se définit comme "raciste" et "ethno-nationaliste". L'ensemble du document le lie au suprémacisme blanc, une idéologie raciste qui considère la population blanche comme supérieure aux autres humains. L'auteur ne semble affilié à aucun parti politique, ni aucune organisation. Quant à la religion, il dit "ne pas savoir" s'il est chrétien.
Son texte est intitulé "Le grand remplacement", titre qui semble être une référence à une thèse de l'écrivain français Renaud Camus sur la disparition des "peuples européens", "remplacés" selon lui par des populations non-européennes immigrées, qui connaît une popularité grandissante dans les milieux d'extrême droite et complotistes.
Quel est son parcours ?
L'auteur du manifeste n'a pas étudié à l'université et son activité professionnelle est nébuleuse. Il explique seulement avoir gagné de l'argent en investissant dans le secteur des cryptomonnaies. Cet argent lui aurait servi à voyager, en Europe notamment.
L'homme se présente ensuite comme "déménageur de kebab" ("kebab removalist"), expression raciste, utilisée en référence à une vidéo islamophobe faisant l'apologie d'attaques menées contre des musulmans en Bosnie, selon le DailyBeast (en anglais).
Politiquement, il dit avoir été "communiste" quand il était jeune, puis "anarchiste, libertarien, avant de devenir éco-fasciste".
Les attentats ont-ils été revendiqués ?
Oui. L'auteur du manifeste explique même longuement ses motivations et emploie l'expression "attaque terroriste". Sur Twitter (le compte a été supprimé depuis), le tireur a aussi publié, peu avant les faits, des photos de son arsenal. Sur Facebook, un compte portant le même nom a diffusé une vidéo de 17 minutes de l'attentat.
Selon son manifeste, l'homme se préparait depuis deux ans, mais a choisi de cibler Christchurch "trois mois à l'avance". La Nouvelle-Zélande n'était pas son premier choix, mais le terroriste a considéré qu'attaquer ce pays "attirerait l'attention" autant qu'un autre pays occidental.
Il affirme aussi avoir d'abord envisagé de s'en prendre à une mosquée de Dunedin, dans le sud de la Nouvelle-Zélande. Mais ses plans ont changé. Une cible supplémentaire était envisagée, mais "incertaine", à Ashburton, à environ 80 kilomètres de Christchurch.
Que trouve-t-on d'autre dans ce manifeste ?
Le document de plus de 70 pages comporte plusieurs poèmes, mais surtout une très longue liste de questions/réponses concernant son auteur. Il contient aussi des messages spécifiquement adressés "aux conservateurs", "aux chrétiens", "aux antifas/marxistes,communistes", et "aux Turcs". Dans une autre partie, il développe son idéologie anti-immigration et appelle à la violence et à commettre des assassinats.
Les références à la théorie du "grand remplacement" sont très nombreuses et le texte est ouvertement raciste et islamophobe. Il montre notamment l'obsession de l'auteur pour la "haute fécondité" que son auteur attribue aux "non-Européens". L'expression "taux de natalité" apparaît au moins une vingtaine de fois, et le mot "fertilité" 24 fois.
Il dit aussi avoir été inspiré par Anders Behring Breivik, terroriste norvégien d'extrême droite, qui a perpétré les attentats d'Oslo et Utoya, dans lesquels 77 personnes sont mortes et 151 ont été blessées, en juillet 2011, en Norvège. Pour l'auteur, Breivik est un "justicier", dont il dit avoir reçu la "bénédiction" pour mener des attaques en Nouvelle-Zélande. Il fait également référence à Oswald Mosley, proche de Mussolini et fondateur de l'Union britannique des fascistes (BUF) dans les années 1930.
Et quelles sont les références à la France ?
L'auteur du manifeste affirme avoir voyagé, en 2017, en France, dont le nom revient à sept reprises. Il semble obnubilé par la situation dans le pays dont il critique de manière virulente la politique migratoire.
Il explique d'ailleurs que sa radicalisation a débuté à cette époque-là, avec l'élection présidentielle de 2017. L'auteur déclare que la défaite de Marine Le Pen a été un moment-clé de son parcours. Il rejette toutefois tout soutien au Front national, qu'il ne trouve pas assez radical.
Peut-on être sûr que l'auteur du manifeste est l'auteur des attentats ?
Les autorités néo-zélandaises ont reconnu l'existence d'un manifeste et d'une vidéo mais n'ont pas authentifié les documents, ni communiqué le nom du principal suspect. Toutefois, plusieurs éléments permettent d'établir des liens entre l'auteur du manifeste et l'attentat. Sur Twitter, un compte au nom de Brenton Tarrant a publié des liens vers le texte et des photos de munitions. Sur ces photos, les chargeurs d'armes automatiques portent des inscriptions en lettres capitales blanches. On retrouve ces mêmes munitions dans la vidéo diffusée en direct sur Facebook pendant l'attentat. Y sont notamment inscrits les noms d'autres auteurs de tueries perpétrées en Europe et en Amérique du Nord, mais aussi des références à d'anciennes batailles ayant opposé des Européens à l'Empire ottoman, du XIVe au XIXe siècle.
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