"C'est notre innocence qui a été visée" : les habitants de Christchurch "effondrés" après les attentats contre deux mosquées
Au moins 49 personnes sont mortes, vendredi 15 mars, dans la deuxième ville du pays, déjà endeuillée ces dernières années par des séismes meurtriers.
C'est par un appel téléphonique qu'il a appris la tragédie. "Comme souvent, j'avais pris mon vendredi après-midi, je m'étais allongé sur mon canapé avec mes deux chats et je m'étais à moitié endormi, raconte Gareth Veale. C'est là que ma tante m'a appelé, inquiète, et que j'ai allumé la télévision." La ville néo-zélandaise de Christchurch a été saisie d'effroi, vendredi 15 mars, par deux attaques terroristes qui ont fait au moins 49 morts dans deux mosquées du centre.
"Depuis, je suis scotché devant mon écran, dégoûté", décrit au téléphone Gareth Veale, 29 ans, contacté par franceinfo. Ce conseiller financier frissonne en soulignant qu'un des suspects a été arrêté "à deux rues" de chez lui. "Nous ne nous attendions pas à cela, assure-t-il. C'est justement notre innocence qui a été visée, nous qui nous imaginions peut-être vivre dans le pays le plus sûr au monde."
Ces illuminés ont voulu montrer aux migrants et aux musulmans qu'ils n'étaient en sécurité nulle part.
Gareth Vealeà franceinfo
Dans cette ville de plus de 340 000 âmes située dans le sud de la Nouvelle-Zélande, la maire, Lianne Dalziel, a été l'une des premières à exprimer le "choc indéfinissable" ressenti par la population. "Je n'aurais jamais pensé qu'une telle chose puisse arriver à Christchurch ou en Nouvelle-Zélande, a-t-elle déclaré, moins de deux heures après le début des attaques. Notre ville ne sera plus jamais la même."
"Christchurch a assez souffert"
Ces dernières années, la deuxième plus grande ville du pays n'a pourtant pas été épargnée par les malheurs. Plusieurs tremblements de terre, dont le plus meurtrier a fait 185 victimes en 2011, l'ont en partie détruite. "Il y a encore des bâtiments endommagés qui doivent être démolis, mais la ville avait franchi un cap en matière de reconstruction, dans les rues comme dans les têtes", décrit une ancienne journaliste locale, Georgina Stylianou, qui vit aujourd'hui entre Christchurch et Wellington.
Nous sortions d'un superbe été austral, avec un nombre de touristes et d'animations comme nous n'en avions plus connu depuis longtemps. Cela va être un gros coup dur.
Georgina Stylianouà franceinfo
La trentenaire, qui s'apprêtait à passer le week-end à Christchurch, a vu son vol depuis la capitale annulé en raison de la menace terroriste. "On est un petit pays, il n'y a pas de contrôles de sécurité pour les vols régionaux", souligne-t-elle. Elle a passé la soirée à suivre les informations, retenant ses larmes jusqu'aux premières images montrant des blessés conduits à l'hôpital. Elle peste contre le sort qui s'acharne sur sa ville natale, "qui a déjà assez souffert".
"Une communauté si paisible"
Après les attentats, vendredi, la Première ministre travailliste Jacinda Ardern a souligné que de nombreuses victimes étaient des "migrants". "Ils ont choisi d'élire domicile en Nouvelle-Zélande et ils sont ici chez eux", a-t-elle martelé. Une artiste néo-zélandaise s'en est inspirée pour ce dessin et ce message : "Vous êtes ici chez vous et vous auriez dû être en sécurité".
this is the only way i know how to cope with this world, i draw. i love you all and am here for anyone who needs anything at all pic.twitter.com/8om4jtqqNX
— ruby (@rubyalicerose) 15 mars 2019
Selon les habitants de Christchurch, rien ne laissait craindre une attaque contre des mosquées. "Les musulmans sont très bien intégrés, comme les différentes communautés de la ville, affirme Gareth Veale. Je n'ai jamais entendu parler de violences islamophobes ici." Georgina Stylianou, elle, se souvient de ses reportages passés. "Les musulmans insistaient toujours sur la qualité de l'accueil de cette ville et de ses habitants", dit-elle.
Je suis effondrée de voir cette communauté si paisible touchée dans ce pays où elle a choisi de s'installer.
Georgina Stylianouà franceinfo
Le plus grand des deux lieux de culte touchés se trouve en face d'un parc emblématique de cette ville "à l'anglaise", surnommée "la ville jardin" de Nouvelle-Zélande. "J'y étais il y a précisément deux semaines, confie Lily*, une employée gouvernementale originaire de Christchurch. C'était comme tous les vendredis avant la prière de midi, avec un flot de gens venant prier et prendre des nouvelles des uns et des autres, tout simplement."
Les séismes étaient des catastrophes naturelles. Là, ça frappe plus fort et ça fait plus mal, parce que cela aurait pu et dû être évité.
Lilyà franceinfo
"C'est notre jour le plus sombre"
Comment Christchurch va-t-elle se relever de ces attentats ? "S'il y a bien une chose que nous ont appris les tremblements de terre, c'est que cette ville et ce pays sont forts, avance Lily. Nous nous soutenons les uns les autres. Nous avons une expression en maori pour cela : 'Kia kaha' ["Sois fort"]." Elle craint toutefois de voir la réputation "de paix, d'accueil et d'amitié" de la Nouvelle-Zélande écornée.
"Les Néo-Zélandais sont stoïques et peuvent s'en remettre, mais cela va certainement avoir un effet de long terme, c'est notre jour le plus sombre", estime Georgina Stylianou. Depuis son canapé, au milieu de ses chats, Gareth Veale veut croire à une sortie par le haut : "Face aux tragédies, les gens se rassemblent, dit-il. Les Kiwis vont vouloir s'assurer que la communauté musulmane se sente ici chez elle et faire en sorte de l'intégrer encore plus."
* Le prénom a été modifié à la demande de la personne interrogée.
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