A quoi jouent la Chine et les Etats-Unis en mer de Chine orientale ?
Mardi, des bombardiers B-52 américains ont survolé, sans prévenir, la zone aérienne d'identification chinoise nouvellement décrétée.
La création par la Chine, samedi 23 novembre, d'une nouvelle zone aérienne d'identification (ZAI) en mer de Chine orientale a provoqué un regain de tension dans la région. Concrètement, tout avion survolant cette ZAI doit donner son plan de vol aux autorités chinoises, garder le contact radio et se plier à leurs instructions. Or, mardi, les Américains ont sciemment défié Pékin en envoyant deux bombardiers B-52 dans la zone, sans respecter une seule de ces règles.
Que signifient ces manœuvres ? Y a-t-il un risque de conflit ? Francetv info décrypte cette partie d'échecs.
Pourquoi la Chine a-t-elle créé cette zone ?
Cette nouvelle zone est un énième épisode de la guerre des nerfs que se livrent la Chine et le Japon au sujet d'un archipel inhabité en mer de Chine, entouré d'eaux poissonneuses et de possibles gisements d'hydrocarbures. Une partie de ces îles, baptisées Diaoyu par les Chinois, Senkaku par les Japonais, ont été nationalisées par Tokyo en septembre 2012, à la grande fureur de Pékin.
Or, le tracé de cette nouvelle zone englobe l'archipel disputé et empiète sur la zone aérienne japonaise. Sa création n'est donc qu'un moyen de plus de contester la souveraineté nipponne sur ces îles, au même titre que les patrouilles de bateaux et d'avions à proximité de leurs côtes.
Le Japon ne s'y est pas trompé. L'ambassadeur chinois à Tokyo a été immédiatement convoqué. "Je suis très inquiet car c'est une chose très dangereuse qui peut conduire à un incident imprévisible", a déclaré le Premier ministre japonais, Shinzo Abe. Son gouvernement a demandé aux compagnies aériennes du pays de ne pas se plier à ces nouvelles règles.
Quel message ont voulu faire passer les Américains ?
Alliés du Japon, les Etats-Unis n'ont pas tardé à réagir. Dès dimanche, le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, a dénoncé une "décision unilatérale" et averti qu'"une escalade ne fera qu'accroître (...) le risque d'un incident". Pour appuyer ce propos, l'armée américaine a envoyé deux bombardiers B-52 basés à Guam voler pendant une heure au-dessus de la zone.
Le vol était certes programmé, mais il aurait très bien pu être annulé. "Il n'y a pas eu de provocation pure et dure, ils ont peut-être mis deux B-52 au lieu d'un, mais c'est tout", relativise cependant Jean-Vincent Brisset, ex-pilote de chasse et ancien attaché militaire à Pékin, aujourd'hui directeur de recherches à l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). Contacté par francetv info, il rappelle que "les Américains vont tous les jours voler dans ce coin-là".
Cette manœuvre visait donc à démontrer que Washington ne céderait pas et ne reconnaîtrait pas cette zone. De leur côté, les autorités chinoises se sont fendues d'un communiqué assurant que "l'armée chinoise a surveillé dans son intégralité le processus, a procédé dans un délai adéquat à l'identification et a établi de quelle sorte d'avions américains il s'agissait".
Y a-t-il un risque d'escalade militaire ?
Malgré ces incidents, le risque de conflit est faible. "Ils sont en train de reproduire en mer de Chine orientale ce qui se passait en mer Baltique pendant la guerre froide entre pilotes de l'Otan et pilotes soviétiques", analyse Jean-Vincent Brisset. L'ancien aviateur rappelle que la définition de ce type de zone est toujours décidée unilatéralement et que la Chine se comporte de manière bien plus agressive envers les pays du sud de l'Asie avec lesquels elle a d'autres litiges territoriaux. Il remarque enfin que ces zones se chevauchent parfois sans problème pendant des années, comme entre la Turquie et la Grèce.
Selon lui, le seul danger résiderait dans l'incompétence technique de certains pilotes chinois, qui pourraient provoquer involontairement des accrochages. En 2001, l'un d'eux avait percuté un avion américain au-dessus de l'île de Hainan. "La dernière fois que j’ai vu voler des Chinois, c’était la patrouille chinoise en 2010 au salon aérien de Zhuhai, raconte-t-il. J’ai été surpris par la faiblesse de leurs progrès."
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