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Les questions que vous n'osez pas poser sur la peine de mort aux Etats-Unis

Un condamné a agonisé durant 45 minutes avant de succomber lors de son exécution, mardi 29 avril, dans une prison d'Oklahoma. Francetv info revient sur les conditions de l'application de la peine capitale dans le pays.

Article rédigé par franceinfo - Valérie Xandry
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Au musée de la prison de Huntsville (Texas). Sur cette chaise électrique, 361 prisonniers ont été exécutés entre 1924 et 1964. (FANNY CARRIER / AFP)

Clayton Lockett, condamné en 2000 pour le viol et le meurtre d'une jeune femme, devait être exécuté par injection létale, mardi 29 avril, dans la prison de McAlester (Oklahoma). Mais la procédure s'est mal passée et le détenu a mis plus de 45 minutes avant de mourir. Un événement qui a suscité une forte émotion, notamment en Europe.

Si l'injection létale est la technique la plus répandue aux Etats-Unis, le pays autorise aussi la mort par électrocution, chambre à gaz, pendaison ou peloton d'exécution. Alors qu'un sondage de l'institut Pew Research indique que 55% des Américains sont favorables à la peine de mort – un chiffre en forte baisse –, francetv info revient, en question, sur les conditions de l'application de la peine capitale dans le pays.

Quelle méthode est la moins douloureuse ?

Contre toute attente, mourir sous les balles d'un peloton d'exécution pourrait être la méthode la moins douloureuse lorsqu'on est condamné à mort aux Etats-Unis. C'est en tout cas la conclusion d'une étude réalisée en 1992 par le scientifique britannique Harold Hillman. "L'étude part du principe que l'exécution se déroule sans le moindre incident", précise Slate, qui a relayé les résultats de cette enquête en 2010.

Comment se déroule ce type d'exécution ? Le condamné est attaché à une chaise et une cible est placée sur sa poitrine, au niveau du cœur. Cinq tireurs s'installent à une distance d'un peu plus de 6 mètres. Il y a donc de fortes probabilités qu'une des balles atteigne le cœur et que la mort soit quasi-instantanée.

L'injection létale est présentée comme une des plus humaines car le détenu reçoit un sédatif censé l'endormir rapidement. Mais cette méthode est de plus en plus sujette à polémique. Michael Lee Wilson, un détenu exécuté début 2014, avait prononcé ces derniers mots, terribles : "Tout mon corps brûle", comme le raconte le Daily Mail (article en anglais).

Trois autres méthodes existent aux Etats-Unis : la pendaison, l'électrocution et la chambre à gaz. Mais elles sont considérées comme moins humaines. Caryl Chessman, un détenu exécuté en 1960 par le gaz, avait indiqué aux journalistes qu'il hocherait la tête s'il ressentait de la douleur. Ce que les témoins l'ont vu faire pendant plusieurs minutes, comme l'indique le Centre d'information sur la peine de mort, une organisation à but non lucratif. L'électrocution, quant à elle, provoque une violente crispation du détenu, qui peut se traduire par des dislocations et des fractures.

Combien de temps met le condamné à mourir ?

Cette question est liée à la précédente. Plus le détenu met du temps à mourir, plus la mort risque d'être douloureuse. Les longues agonies se multiplient dans les cas d'injection létale. Dennis McGuire, exécuté en début d'année dans l'Ohio, a mis plus de vingt minutes à succomber. Dans ce cas, comme dans celui de Clayton Lockett, le cocktail injecté contenait de nouveaux produits. Des entreprises pharmaceutiques européennes, qui fournissaient autrefois ce type de produits, s'opposent en effet de plus en plus à l'utilisation qui en est faite et limitent leurs exportations vers les Etats-Unis, comme l'explique Euronews.

La mort peut également survenir tardivement avec les autres méthodes. Dans le cas d'un peloton d'exécution, par exemple. Si aucune des balles n'atteint un organe vital, le détenu se vide de son sang. Un processus qui peut être lent, selon le Centre d'information sur la peine de mort qui s'appuie sur les travaux de Hillman en 1992 et de Weisberg, qui publia This is your death en 1991.

La pendaison peut entraîner une mort extrêmement rapide dans le cas où la nuque se brise. Mais si le détenu a des muscles épais au niveau de la nuque, qu'il est trop léger, ou encore que le nœud de la corde est mal placé, la nuque ne se brise pas et le condamné suffoque lentement. 

Les condamnés peuvent-ils décider de la manière dont ils seront exécutés ?

Cela dépend des Etats. La peine de mort est légale dans 32 Etats américains, comme l'indique cette carte publiée sur le site de l'institut de sondage Pew Research. La manière dont l'exécution est menée dépend de chacun d'eux. L'injection létale est la méthode la plus couramment employée. Depuis 1976, le Centre d'information sur la peine de mort a recensé 1 203 exécutions par injection létale contre 158 par électrocution, 11 par chambre à gaz, 3 par pendaison et 3 par peloton d'exécution.

Mais toutes les techniques ne sont pas autorisées dans chaque Etat. En Oregon par exemple, seule l'injection létale est possible. D'autres Etats proposent une seconde méthode dans le cas où l'injection létale serait déclarée anticonstitutionnelle ou dans le cas où l'injection ne pourrait pas être pratiquée. Enfin quelques Etats, comme la Floride, permettent au condamné de choisir entre deux méthodes d'exécution.

Qui peut assister à l’exécution ?

Cela dépend également des Etats, mais globalement, il s'agit toujours du même type de personnes. Si l’on prend l’exemple de l’Indiana, la liste des personnes autorisées à assister à l'exécution est indiquée dans ce texte législatif. Elle comprend le directeur de la prison d'Etat, les témoins nommés par le directeur, le médecin de la prison ainsi qu'un autre médecin, le conseiller spirituel du condamné, l'aumônier de la prison, des proches ou des amis du condamné et la famille de la victime. Ce même texte législatif indique que le condamné peut recevoir des visites de ses proches lorsqu'il est enfermé dans l'attente de son exécution.

Des journalistes sont également autorisés dans certains Etats, mais les téléphones et les appareils photos peuvent être confisqués. Le Nouvel Observateur raconte ainsi comment Alan Johnson, un journaliste de l'Ohio, a assisté à la lente agonie de Dennis McGuire.

Est-ce qu’on peut en réchapper ?

Normalement non. Et pourtant, Romell Broom a survécu. Condamné à mort pour viol, enlèvement et meurtre en 1984, il devait être exécuté par injection létale en 2009. Mais l'équipe médicale n'a jamais réussi à planter l'aiguille dans une de ses veines, comme le raconte Le Figaro.

Après deux heures et demie de tentatives infructueuses de l'infirmière sur chaque bras, sur une jambe, une cheville et même sur une main, le directeur de la prison a décidé de suspendre l'exécution. Romell Broom n'a toujours pas été exécuté, selon la base de données des exécutions du Centre d'information sur la peine de mort.

Le condamné à mort peut-il vraiment manger ce qu'il veut pour son dernier repas ?

Un détenu américain peut, en effet, établir lui-même le menu du dernier repas avant l'exécution. Mais sa demande ne sera pas forcément honorée. Slate indique que cela dépend en grande partie des éléments demandés. Le repas doit être préparé à la prison. En Virginie, le détenu n'a donc le choix que parmi les menus du mois en cours. En Floride, le coût du repas ne doit pas excéder 40 dollars. Enfin, Slate rappelle que l'alcool est interdit.

Le Texas, lui, a supprimé cette tradition, comme le relate Le Monde en 2011. La raison ? Un condamné aurait commandé un repas démesuré comportant "deux steaks de poulet frit, un triple cheeseburger au bacon, une livre de porc au barbecue, trois fajitas, un bol de gombos frits, une pizza à la viande, une livre de glace et une plaque de chocolat au beurre de cacahuète avec des éclats de cacahuètes" selon le quotidien français. Le repas, ramené à des proportions plus faibles, avait finalement été refusé par le détenu.

Une exécution est-elle plus "économique" qu'une sentence de prison à vie ?

Eh bien non. Cela coûte plus cher d'exécuter quelqu'un que de l'enfermer en prison pour le reste de sa vie. Carolyn McGinn est une membre républicaine du sénat du Kansas. En 2009, elle a fait campagne pour l’abolition de la peine de mort pour raisons budgétaires, comme le rappelle Fox News (article en anglais). Elle cite une étude de 2003, qui estime le coût moyen de toute la procédure qui entoure la peine de mort au Kansas à 1,26 million de dollars contre 740 000 dollars pour une incarcération à vie. Cette étude (en anglais) établit que les coûts d'investigation dans des affaires dont l'issue est une condamnation à mort sont trois fois supérieurs à ceux des autres enquêtes. Les frais du jugement sont seize fois plus élevés (508 000 dollars contre 32 000 dollars) et les frais pour les procédures de justice en appel sont 21 fois plus importants.

L’incarcération d’une personne coûte 25 000 dollars par an, soit 750 000 à 1 million de dollars si le condamné vit trente à quarante ans à l’issue de sa condamnation, selon le quiz du Centre d'information sur la peine de mort. Une condamnation à mort, en tenant compte de tous les coûts jusqu’à l’exécution, revient à près de 3 millions de dollars.

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