Dans le Mexique de Peña Nieto, l’opposition n’est pas la bienvenue
Le 15 septembre 2012, des Mexicains se réunissaient chez eux ou devant les mairies pour fêter l’anniversaire de l’indépendance du pays acquise au détriment de l’Espagne en 1821. Cette célébration est toute une institution. Mais cette année, les esprits n’étaient pas à la fête pour les milliers de jeunes de #YoSoy132 et ceux qui les soutiennent.
Inspirés des méthodes des Indignés, ils dénoncent depuis le mois de juin la collusion politico-médiatique entre le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) qui a dirigé le pays pendant 75 ans jusqu’en 2000 et Televisa, l’empire médiatique mexicain. C’est grâce aux efforts acharnés de ce tandem qu'Enrique Peña Nieto a été élu (38,2%).
Avec les réseaux sociaux et des manifestations très suivies, les jeunes Mexicains ont failli changer le cours des élections, censées être jouées d’avance. Les sondages ont brièvement donné espoir au candidat de la gauche populiste Andrés Manuel Lopez Obrador, également déçu lors de la présidentielle précédente. Pour rectifier le tir, le PRI a eu recours au bourrage d’urnes et à l’achat de voix.
Euronews, 30 juin 2012.
Des méthodes d’intimidation
Ce 15 septembre, un des porte-parole du mouvement, Aleph Jiménez, protestait une énième fois contre les résultats de l’élection présidentielle devant la mairie de la ville portuaire d’Ensenada, en Basse Californie (nord du pays). Juste après le discours traditionnel que prononce tout maire sur les coups de minuit, la police l’a brutalement évacué et arrêté.
Le jeune professeur de sciences n’a pas hésité à dénoncer les agissements des forces de l’ordre et à porter plainte. Il était porté disparu depuis le 20 septembre. Sa famille, des associations de défense de droits de l’Homme et #YoSoy132 étaient persuadés que sa disparition et l’incident avec la police sont liés. Les autorités affirmaient enquêter. Cinq jours après, le collectif a informé qu'il était sain et sauf dans la capitale mexicaine et qu'il s'était enfui craignant pour sa vie.
Ya estamos con Aleph Jiménez en el aeropuerto. Estén pendientes. #YoSoy132 twitter.com/Soy132MX/statu…
— #YoSoy132 (@Soy132MX) Septembre 25, 2012
Photo d'Aleph Jiménez arrivant à l'aéroport de Mexico diffusée sur Twitter par le collectif.
Trois mois avant, les indignés mexicains d’Ensenada ont raconté à la presse locale qu’une jeune fille a été approchée par un homme qui l’avait questionnée sur les manifestations et proférait des menaces à peine voilées. Le week-end du 24 septembre, d’autres jeunes ont été arrêtés sous prétexte qu’ils bloquaient la circulation.
« Un climat de répression »
«La disparition d’Aleph Jiménez est révélatrice du climat de répression qui s’instaure au Mexique. Cela coïncide avec le retour du PRI au pouvoir. Le #YoSoy132 est né le jour où le candidat Enrique Peña Nieto a visité la très chic Université Iberoaméricana à Mexico. Des étudiants mécontents ont protesté contre sa présence. La raison : il est responsable de la répression policière sanglante d’une révolte populaire dans le quartier d'Atenco dans la capitale en 2006, alors qu’il était gouverneur de Mexico. Les médias et l’équipe du candidat les avaient fait passer pour des militants d’extrême gauche. Le mouvement est né en réponse à ce mensonge. Les jeunes tenaient à dire qu’ils étaient bien des étudiants et qu’ils n’étaient pas manipulés», analyse Julio Hernandez, éditorialiste et directeur d’une des éditions régionales du journal indépendant de référence La Jornada.
«Le parti du nouveau chef de l’Etat poursuit une campagne de discréditation du mouvement. Une vidéo a été diffusée par la télévision nationale dans laquelle des membres supposés du #YoSoy132 prenaient à partie le véhicule du candidat de l'époque Peña Nieto, dans le but de donner une image violente des manifestants. Ce qui est très difficile à croire, vu la protection renforcée dont il disposait. Les principaux médias véhiculent une idée fausse qu’is font passer pour des analyses ou de commentaires (les jeunes étudiants sont accusés de soutenir Andrés Manuel Lopez Obrador, NDLR)», poursuit-il.
«Des attaques ciblées comme celle d’Ensenada ne font que montrer que le "nouveau PRI" d’Enrique Peña Nieto est la copie conforme du PRI traditionnel qui, au pouvoir en 1968, a massacré 48 étudiants.»
Les jeunes ne lâchent rien
« Nous sommes revenus aux années du PRI où les autorités jouent les singes de la sagesse, confirme Aura Mejia J. proche du mouvement, mais les jeunes ne vont plus accepter ce qu’ils acceptaient jadis. Même si les mobilisations ne sont pas relayées par les télévisions, nous sommes encore dans les rues. Plusieurs manifestations sont prévues, notamment le jour de la passation de pouvoirs.»
#AlephJimenez esta vivo y a salvo Venga Aleph estamos contigo tus razones tuviste para esconderte!
— laura (@mxaura) Septembre 26, 2012
«Aleph Jiménez est sain et sauf. Nous comprenons tes raisons de te cacher», se réjouit Aura Mejia sur son compte Twitter.
Les #YoSoy132 sont devenus gênants. Juste avant les élections, les médias soutenant Enrique Peña Nieto avaient minimisé les manifestations d’une poignée de « gamins gâtés ».
Les différents scandales qui ont éclaté en relation avec la fraude électorale, comme le rôle que la banque HSBC a joué dans les élections ou les arrangements de Televisa, le News of The World version aztèque, pour influencer l’opinion publique, ont donné raison aux « gamins ».
Un mouvement mené par le candidat de la gauche populaire qui considère avoir été dépossédé de son élection, et soutenu par les jeunes, a forcé le Tribunal électoral à revoir le processus électoral. Néanmoins, le 31 août 2012, Enrique Peña Nieto a été déclaré officiellement président de la République par la Haute institution.
Il ne prendra pas ses fonctions avant le 1er décembre 2012. Pendant que Felipe Calderon, le président sortant, garde la place au chaud. Son action politique est très limitée dans cette période de transition. Les attaques des membres du #YoSoy132 se poursuivent dans ce flou artistique.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.