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Carte Amazonie, Afrique, Sibérie... Où sont les incendies qui ravagent la planète et faut-il s'en inquiéter ?

Article rédigé par Robin Prudent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Les feux actifs dans le monde sur 24 heures, le 28 août 2019. (FIRMS / NASA)

Plus de 20 000 zones de feux ont été recensées à travers le monde par la Nasa, dont plus de la moitié sur le continent africain. Mais ces chiffres cachent une réalité plus complexe.

Alors que les regards sont braqués sur l'Amazonie en flammes, des milliers d'incendies ravagent d'autres parties du globe. Au total, plus de 20 000 zones de feux actifs ont ainsi été recensées sur 24 heures mercredi 28 août par la Nasa, dont plus de la moitié... en Afrique. D'autres régions du monde sont aussi touchées, comme la Sibérie ou l'Indonésie. Un phénomène exceptionnel ? Franceinfo décrypte cette carte inquiétante.

Derrière tous ces points rouges se cachent les feux actifs détectés par l'agence spatiale américaine grâce à des radiomètres spectraux MODIS, embarqués dans les satellites Aqua et Terra. "C'est un instrument d'observation remarquable qui sert considérablement les chercheurs", indique Frédéric Chevallier, du Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE). L'outil a cependant quelques limites : les nuages ou le feuillage des arbres peuvent cacher certains feux et il est difficile d'estimer le nombre d'hectares totaux partis en fumée. "On montre souvent le nombre de feux sans indication très fiable de leur taille, qui peut être très variable", précise Olivier Boucher, directeur de recherche de l'Institut Pierre Simon Laplace (IPSL), spécialisé dans la recherche en sciences de l'environnement.

En Afrique subsaharienne, d'innombrables incendies agricoles 

Au premier coup d'œil, c'est l'Afrique subsaharienne qui semble être en proie au plus grand nombre d'incendies actuellement dans le monde. Pire, les feux ont l'air de se développer dans la forêt du bassin du Congo, souvent comparée au "deuxième poumon vert" de la planète, après l'Amazonie. Une zone verte qui absorbe des tonnes de CO2 dans ses arbres et demeure un sanctuaire d'espèces en voie de disparition (éléphants des forêts, grands singes...).

Une situation particulièrement inquiétante ? Non. "La grande majorité des feux qu'on voit sur les cartes satellitaires ne concernent pas la forêt tropicale", tranche le chercheur en sciences de l'environnement, Olivier Boucher. En réalité, les feux se concentrent plutôt en Zambie et en Angola, notamment dans des zones semi-arides ainsi que sur des zones cultivées. "Ces feux récurrents sont moins problématiques, car ils concernent principalement des savanes où les herbes repoussent l'année suivante", explique Philippe Ciais, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement.

Il est faux de dire qu'en Afrique, les incendies sont pires qu'en Amazonie.

Jérôme Chave, directeur de recherche au CNRS

à franceinfo

Ce phénomène est d'ailleurs régulièrement observé et cette saison n'a pas été marquée par une recrudescence de feux par rapport à 2018, indique Jérôme Chave, directeur de recherche au CNRSLa raison ? La plupart de ces incendies sont liés à la culture sur brûlis, une méthode traditionnelle dans les zones agricoles. Les habitants brûlent du bois puis laissent reposer les cendres pour rendre les sols plus fertiles.

Ces pratiques agricoles peuvent tout de même avoir des conséquences pour l'environnement : "perte nette de carbone stocké, perte de biodiversité, pollution de l'air", égrène Olivier Boucher, chercheur en sciences de l'environnement. Et le continent est en première ligne. Une étude, citée par l'agence spatiale européenne, indique même que 70% des zones brûlées dans le monde se situent en Afrique. "Au rythme actuel d'accroissement de la population et de nos besoins en énergie, nos forêts sont menacées de disparition à l'horizon 2100", s'est inquiété le président congolais Félix Tshisekedi, le 20 août.

En Amazonie, des feux inquiétants

L'autre point rouge de la carte des incendies se concentre dans la forêt amazonienne. Mardi 27 août, l'Agence spatiale européenne indiquait ainsi que les incendies y sont quasiment quatre fois plus nombreux que l'an dernier à la même période. Rien qu'au Brésil, qui possède 60% de la forêt, près de 80 000 feux ont été répertoriés depuis le début de l'année, un record depuis 2013. Mais prudence avec ces données : "L'Amazonie ne couvre pas tout le Brésil. Un grand nombre des feux que l'on voit sur les cartes de l'Amérique du Sud ne concernent pas la forêt tropicale amazonienne", explique Olivier Boucher, chercheur en sciences de l'environnement.

Difficile d'estimer, avec cette carte, l'ampleur réelle des dégâts. "Il faut savoir que le nombre des feux ne veut pas dire grand-chose. Ce qui est important, c'est de connaître la superficie et ce qui a brûlé", indique Jérôme Chave, directeur de recherche au CNRS. Mais les informations locales ne sont pas rassurantes. "Le feu pénètre dans des zones de forêts où il ne pénétrait pas avant, comme dans la Terre indigène du Xingu, par exemple", précise la géographe du CNRS Ludivine Eloy Costa Pereira. La Bolivie a aussi annoncé récemment que la surface ravagée par les incendies avait atteint les 950 000 hectares.

Pour ce qui est de l'Amazonie, il est bien trop tôt pour un bilan 2019 car on n'est qu'au tout début de la saison des feux.

Olivier Boucher, directeur de recherches à l'IPSL

à franceinfo

Le début de la saison des feux n'annonce donc rien de bon. Et pour cause : "Il est tout à fait légitime de craindre que les progrès indéniables réalisés par le Brésil pour limiter la déforestation cette dernière décennie sont remis en cause par l'approche très laxiste du nouveau gouvernement sur l'environnement", précise Olivier Boucher, directeur de recherches à l'IPSL. Une responsabilité politique qui s'ajoute au risque climatique. "Avec le réchauffement, les modèles prédisent une saison sèche plus longue et plus d'années sèches, donc plus de feux", alerte Philippe Ciais, chercheur au laboratoire des sciences du climat et de l'environnement.

En Indonésie, plus de 135 000 hectares partis en fumée

Quelques points rouges continuent d'apparaître aussi sur les îles indonésiennes, à la fin du mois d'août. Et pour cause, quelque 700 départs de feux ont été comptabilisés ces dernières semaines dans le sud-est du pays, indique la BBC. Une situation particulièrement inquiétante puisque la région conserve une biodiversité unique, avec notamment la présence d'orangs-outans. Mais le phénomène n'est pas exceptionnel. "Il y a une saison des feux, c'est normal au sens climatologique du terme", précise Frédéric Chevallier, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement, à franceinfo.

Plus de 8 000 personnes et des avions militaires ont été mobilisés sur place pour tenter d'éteindre ces incendies, principalement sur les îles de Bornéo et Sumatra. Au total, plus de 135 000 hectares sont déjà partis en fumée, selon le ministre indonésien de l'Environnement et des forêts.

En Sibérie, des incendies prolongés par le réchauffement climatique

Autre point chaud (inattendu) de la planète : la Sibérie. Là-bas, les incendies ont démarré il y a plusieurs mois, et ravagé des millions d'hectares de forêts. Et à en croire les données de la Nasa, ces feux ne sont pas encore totalement circonscrits. "En Arctique, les feux sont plutôt naturels, mais le changement climatique augmente leur fréquence ou leur intensité en allongeant les périodes plus propices au feu. On peut difficilement aller les éteindre", explique Olivier Boucher, chercheur en sciences de l'environnement.

Début août, 13,1 millions d'hectares étaient déjà partis en fumée en Sibérie depuis le début de l'année, soit l'équivalent de la taille de la Grèce, selon Greenpeace. Et plus de 4 millions d'hectares étaient encore touchés par des incendies.

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