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Alvaro Canovas: photographe de guerre humaniste

Le photographe de «Paris Match», Alvaro Canovas se tourne vers les zones de guerre après le choc du 11 septembre 2001. Le métier change avec l'arrivée de jeunes, de femmes, et de la crise économique, mais il garde intacte l'envie de faire découvrir au plus grand nombre le quotidien des populations touchées par les drames.
Article rédigé par Jean-Claude Rongeras
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Alvaro Canovas, à Alep, le 31 août 2011. (A. DE MONTESQUIOU)

Aimer, dès l’adolescence, l’histoire, la géographie et l’actualité, tout en ayant des parents qui vous emmènent souvent en voyage à l’étranger... Voilà un symptôme qui peut conduire à une carrière toute tracée, celle de photographe de presse. Et l’attention portée aux autres, le désir de faire partager ses découvertes et les aider à mieux comprendre les évènements produisent des reportages sur les problèmes sociaux. Des photos et des sujets publiés depuis 1988 à Paris-Match.

Le changement de cap, des sujets sociaux au grand reportage, a lieu lors de l’attentat contre les tours de Manhattan. Alvaro Canovas part quatre fois à New York pour rendre compte des lendemains de la tragédie. Dès lors, le pli est pris. Les conflits et leurs conséquences constitueront la principale activité journalistique du photographe. Ses déplacements sur les fronts du Pakistan et de l’Afghanistan et aussi en Afrique, avec des reportages sur le sida et les troubles en Côte d’Ivoire sont, selon lui, «des moments forts de son activité professionnelle».

Il effectue depuis 2010 la plupart de ses reportages en tandem avec un journaliste rédacteur de l’hebdomadaire, Alfred de Montesquiou. Ce travail en équipe permet d’offrir aux lecteurs une histoire complète ; le but étant d’apporter un éclairage sur les conditions de vie des hommes et des femmes partout dans le monde. 

Des rebelles libyens ont récupéré des mitrailleuses dans un dépôt d'armes appartenant aux forces de Mouammar Kadhafi, au sud-ouest de Tripoli, le 28 Juin 2011. (AFP PHOTO / COLIN SUMMERS)

Depuis une quinzaine d’années, les conditions du métier évoluent
La concurrence s’est accrue. «On rencontre de plus en plus de jeunes qui partent avec un boîtier sous le bras, qui partent sans connaissance du pays, mais peuvent faire de bonne photos.» Une situation rendue possible par la baisse des tarifs des transports et des prix des communications. Ceci s’est particulièrement vérifié lors du Printemps arabe.

Autre phénomène important, le nombre de femmes qui a rapidement augmenté parmi les photographes dans les zones de conflits. «L’un des avantages de cette situation, c’est qu’elles peuvent avoir des contacts avec les membres féminins des familles dans les pays musulmans, ce qui est interdit aux journalistes hommes», explique Alvaro Canovas, qui vante également leur rigueur journalistique.

La crise économique n’épargne pas le métier
Alors qu’une bonne partie du travail repose sur le flair et la curiosité du photographe, les rédactions, qui ont resserré les budgets, demandent un plan précis des trajets prévus. Cette frilosité s’explique par le coup d’un reportage : «Soit 8.000 à 15.000 euros pour huit à dix jours de travail», explique Alvaro Canovas qui détaille les coûts : le billet, l’hôtel, le «fixeur», qui prépare les reportages sur le terrain. En Syrie, les conditions sont peu habituelles : «Nous avons logé dans un petit hôtel, les rebelles ne nous ont pas fait payer leur aide, ni le transport. Mais il y avait les frais d’essence, les barrages et les transmissions annexes. On arrive à 1.000 euros par jour.»

Alvaro Canovas est blessé en Libye

parismatchcom, Florent Marcie, le 1er septembre 2011

Dans la vie de reporter de conflit, le risque physique est une réalité quotidienne
Chacun le gère à sa façon. Alvaro Canovas, lui, n’y «pense pas». «On le côtoie à de brefs moments. Je n’en ai pas la hantise.» Pourtant, la blessure a rattrapé le photographe en août 2011. Une balle de kalachnikov lui a traversé la cuisse, en Libye, au moment de l’entrée des rebelles dans le QG de Khadafi, alors qu’il se trouvait à une centaine de mètres du bunker, avec Alfred de Montesquiou.

«Après le moment du choc, j’ai vite réalisé que ma vie n’était pas en danger. J’étais préparé. Je savais que cela allait m’arriver un jour ou l’autre. C’était comme un accident du travail un peu particulier», raconte-t-il. 

Après cet avatar, l’homme, doté d’un solide tempérament, est resté lui-même. En retrait de l’ambiance générale : «J’ai dressé un mur entre ma vie professionnelle et ma vie privée. Je ne m’habille pas en baroudeur et les gens que je fréquente ont des métiers totalement différents du mien. En ce qui concerne les évènements médiatiques, je vais tous les deux ou trois ans à Perpignan, à Visa pour l’Image, mais je ne suis jamais allé à Bayeux.»

A la question de savoir s’il pourrait se passer de la passion qui l’anime, il répond, sans détour : «J’aime tout autant aller faire un reportage sur le chômage dans l’est ou le nord de la France, c’est parfois plus difficile que de photographier trois pantins sur une scène de guerre.»

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