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Tanzanie : comment des dizaines de milliers d'adolescentes ont été privées d'éducation parce qu'elles étaient enceintes

Le pays vient de lever l'interdiction d’étudier pour les filles-mères.

Article rédigé par Eléonore Abou Ez
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2 min
Une enseignante tanzanienne lors d'une session de formation pour améliorer les méthodologies d'enseignement.  (VOLUNTARY SERVICE OVERSEAS / ROBERT HARDING HERITAGE)

Les filles enceintes et les jeunes mamans peuvent à nouveau poursuivre leurs études dans les collèges et lycées publics en Tanzanie. C’est une décision de la nouvelle présidente Samia Suluhu Hassan qui a mis fin à la politique de discrimination suivie par son prédécesseur.

Tests de grossesse à l'école

En Tanzanie, les adolescentes enceintes étaient systématiquement et définitivement exclues de l’école, conformément à un décret promulgué en 2017 par le président de l’époque, l'autocrate John Magufuli, qui qualifiait d'"immoral" le comportement de ces élèves. L’enjeu est important dans un pays où plus de 20% des filles tombent enceintes avant 18 ans. C'est le cas d’Esther, expulsée de son lycée à 17 ans. Elle n’a jamais eu droit à une deuxième chance.

"Ma mère a essayé de supplier les responsables de l’école pour que j’y retourne après mon accouchement. Ils lui ont dit non car ils ne pouvaient pas avoir de mère dans la classe et que j’aurais une mauvaise influence sur les autres élèves."

Esther, fille-mère en Tanzanie

à Human Rights Watch

Des pressions financières

L’organisation Human Rights Watch (lien en anglais) qui a recueilli plusieurs témoignages dénonce depuis des années cette politique "inhumaine" et ses conséquenses. Des dizaines de milliers de filles ont ainsi été privées de leur droit à l’éducation, selon l'ONG. L’exclusion des adolescentes du système scolaire avait été largement critiquée aussi par les donateurs internationaux qui avaient arrêté leurs financements au pays.

Cette pression a d’ailleurs ouvert la voie au changement. La mort du président John Magufuli en mars dernier a accéléré les choses. La nouvelle présidente, pourtant issue du même parti politique, s’est engagée à défendre les libertés fondamentales. C’est elle qui a décidé la levée de l’interdiction imposée aux étudiantes enceintes ou jeunes mères. Elle est soutenue par une autre femme, la ministre de l’Education.

"Les élèves enceintes seront autorisées à poursuivre leurs études après l’accouchement (…) Il n’y a pas de temps à perdre."

Joyce Ndalichako, ministre tanzanienne de l'Education

à l'AFP

La Tanzanie peut désormais compter sur l’aide des organisations internationales pour mettre en place un système éducatif plus inclusif. En mars 2020, la Banque mondiale a approuvé un prêt de 500 millions de dollars pour le programme d'amélioration de la qualité de l'enseignement secondaire, comprenant des parcours d’éducation alternative destinés aux mères adolescentes. Le pays devrait surtout se concentrer sur la sensibilisation des jeunes pour éviter les relations sexuelles abusives ou non protégées.

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