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Soudan : la contestation rejette l’aide financière de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis

Inquiets du soulèvement populaire au Soudan et de ses conséquences sur leurs intérêts, Ryad et Abou Dhabi ont annoncé un soutien de trois milliards de dollars à ce pays engagé dans une transition difficile après la destitution du président Omar el-Béchir.

Article rédigé par franceinfo Afrique avec AFP
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Des manifestants soudanais rassemblés le 22 avril 2019 devant le quartier général de l'armée, lors d'une manifestation à l'appel de l'Association des professionnels soudanais qui demande un gouvernement de transition civil à Khartoum. (MAHMOUD HJAJ / ANADOLU AGENCY)

"Nous ne voulons pas de l’aide de l’Arabie saoudite, même si l’on ne doit manger que des fèves ou des fallafels." C’est en chanson que les manifestants soudanais ont clamé leur refus du soutien financier annoncé le 21 avril 2019 par Ryad et Abou Dhabi.

La contestation suspend les discussions avec le conseil militaire de transition

Dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, on peut en effet voir les contestataires déterminés à mener leur mouvement jusqu’à l’éviction du système mis en place par le président déchu, sans attendre les effets de cette manne.

Le jour même, le chef du Conseil militaire de transition révélait que les services de sécurité soudanais avaient saisi plus de 113 millions de dollars en liquide dans la résidence d’Omar el-Béchir à Khartoum, alors que les responsables de la contestation annonçaient de leur côté "la suspension des discussions avec le Conseil militaire" de transition.

"Nous considérons le Conseil militaire comme un prolongement du régime", a déclaré Mohamed al-Amine, un porte-parole du mouvement, appelant à "poursuivre et intensifier les manifestations jusqu'à ce que nos demandes soient satisfaites", a-t-il dit.

Face aux protestataires qui continuent de camper jour et nuit devant le quartier général de l’armée, malgré l’exigence d’une levée des barrages par cette dernière, les deux ténors du Golfe s’inquiètent des conséquences de l’instabilité soudanaise sur leurs intérêts.

"Conscient de la nécessité d'aider le peuple soudanais frère (...) et en soutien à la République du Soudan, les deux pays (Arabie saoudite et Emirats arabes unis) ont décidé de leur apporter conjointement cette aide", a indiqué l’agence officielle saoudienne SPA.

Même si Ryad n’a pas précisé s’il s’agissait de dons ou de prêts, ce soutien devrait, toujours selon SPA, prendre la forme d’un dépôt de 500 millions de dollars à la Banque centrale soudanaise et d’une somme de deux milliards destinée au financement des besoins du peuple en produits alimentaires, médicaments et produits pétroliers.

L'Arabie saoudite et les Emirats méfiants à l'égard des soulèvements incontrôlés

Après plusieurs semaines de silence sur la crise politique au Soudan, le royaume saoudien et son allié émirati avaient brièvement réagi le 14 avril à la chute du président Béchir, appelant à la "stabilité" et à une "transition pacifique".

Ryad et Abou Dhabi se sont finalement résignés à la chute d’el-Béchir, mais craignent une descente aux enfers du pays, qui déstabiliserait la Corne de l'Afrique et nuirait à leurs intérêts dans la région, selon des analystes cités par l’AFP. L'Arabie saoudite et les Emirats sont très méfiants à l’égard des bouleversements incontrôlés comme ceux qui ont plongé en 2011 la Libye dans le chaos ou abouti à la montée des Frères musulmans, leur "bête noire", en Egypte.

Ils n'ont pas hésité à s'engager militairement au Yémen voisin lorsque la transition a dérapé et permis aux rebelles houthis, jugés proches de l'Iran, de s'emparer de larges portions du pays, dont la capitale Sanaa. Dans la guerre au Yémen en particulier, ils ont obtenu sur le terrain le soutien de l'armée soudanaise, décidé par le président déchu, dans le cadre de la coalition militaire sous commandement saoudien qui intervient dans ce pays depuis 2015.

Le Conseil militaire de transition soudanais avait confirmé dans la nuit du 15 au 16 avril que les troupes soudanaises resteraient engagées au Yémen "jusqu'à ce que la coalition atteigne son but". Mais tout cela reste tributaire de l’évolution de la situation intérieure soudanaise. Certes, le général Abdel Fattah al-Burhane, le chef du Conseil de transition, a affirmé à la télévision son "engagement à remettre le pouvoir au peuple", mais il a fait également monter la tension en prévenant : "Cela ne peut plus continuer, parce que la sécurité est de la responsabilité de l’Etat", a-t-il dit.

De son côté, le parti al-Oumma, première formation de l'opposition, a accusé le 22 avril "certains membres du Conseil militaire" de vouloir "recycler le régime renversé". Dans un communiqué, il réclame que le pouvoir soit confié à l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), qui regroupe les principales formations contestataires. L'ALC, qui avait prévu d'annoncer la veille la formation d'une instance civile censée remplacer le collège d'officiers supérieurs à la tête du pays, a finalement fait savoir qu'elle le ferait "dans quelques jours".

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