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Libye: l’ONU dénonce «les abus et les violations épouvantables» dans les prisons

Nouvelle alerte sur la situation de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants dans les prisons libyennes. Dans un rapport publié le 10 avril 2018, le Haut-commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme révèle une pratique généralisée des détentions prolongées sans jugement et la violation systématique des droits de l’Homme de la part des groupes armés, y compris ceux affiliés à l’Etat.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Des policiers libyens prennent la pose, le 15 février 2018, devant le palais de justice détruit de la ville de Benghazi, d'où étaient parties les premières manifestations contre le régime de l'ancien et défunt guide de la Jamahiriya libyenne, Mouammar Kadhafi. (Abdullah DOMA/AFP)

Le chaos dans lequel a sombré la Libye depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi, a transformé le pays en enfer non seulement pour les migrants d’Afrique subsaharienne, mais aussi pour la population libyenne dans son ensemble.

Privés de liberté en raison de liens tribaux ou familiaux
Dans son dernier rapport sur ce pays écartelé entre plusieurs centres de pouvoir, le Haut-commissariat des droits de l’Homme de l’ONU (HCDH) dénonce les horreurs que font subir les groupes armés, y compris ceux affiliés à l’Etat, à des milliers de personnes placées en «détention prolongée et arbitraire»
 
A celles arrêtées dans le cadre du conflit armé de 2011, sont venues s’ajouter celles incarcérées depuis la reprise des hostilités en 2014. Les groupes armés de tous bords ont raflé des opposants, des critiques, des activistes, des professionnels de la santé, des journalistes et des politiciens. Les prises d’otages pour des échanges contre d’autres prisonniers ou tout simplement contre rançon se sont également multipliées.
 
«Des hommes, des femmes et des enfants à travers la Libye sont arbitrairement détenus ou illégalement privés de liberté en raison de leurs liens tribaux ou familiaux et de leur affiliations politiques», indique le rapport, publié en coopération avec la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (Manul).
 
«Ce rapport met à nu non seulement les abus indicibles et les violations épouvantables que subissent les Libyens ainsi privés de leur liberté, mais aussi l’horreur et l’arbitraire de telles détentions, tant pour les victimes que pour leurs familles», a déclaré le Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme. Ces pratiques doivent cesser et «les responsables de tels crimes doivent être entièrement tenus pour responsables», a insisté Zeid Raad al-Hussein.

Selon des estimations datant d’octobre 2017, 6500 personnes seraient détenues dans des prisons officielles, supervisées par la police judiciaire du ministère de la Justice. Il n’existe toutefois pas de statistiques similaires pour les installations relevant officiellement des ministères de la Défense et de l’Intérieur et encore moins pour celles directement administrées par les groupes armés.

Tortures et violations des droits de l'Homme et de la Femme 
Plutôt que de réprimer ces groupes et d’intégrer leurs membres dans des structures d’Etat, «les gouvernements libyens successifs ont eu de plus en plus recours à eux pour l’application de la loi, y compris pour les arrestations, leur a payé des salaires et leur a fourni matériel et uniformes», déplore le rapport.
 
Leurs geôles, hors du contrôle de l'Etat, sont «tristement célèbres pour des cas de tortures et autres violations», précise le HCDH. Le rapport décrit comment des groupes armés font subir aux personnes qu'ils arrêtent des actes de torture. Ils les frappent avec des barres métalliques, leur assènent des coups sur la plante des pieds, les électrocutent et les brûlent avec des cigarettes.
 
Les femmes ne sont pas non plus épargnées. «Dans certaines prisons, elles sont obligées de se dévêtir pour subir des fouilles dans les parties intimes par des gardiens masculins ou sous le regard de fonctionnaires masculins», détaille encore le rapport.
 
En conséquence, l’ONU appelle les autorités libyennes à libérer immédiatement toutes les personnes détenues arbitrairement, à dénoncer sans équivoque tous les actes de tortures et mauvais traitements et à faire en sorte que leurs auteurs soient jugés.
 
«L’absence d’action» de leur part «nuira à tout effort de stabilisation, de rétablissement de la paix et de la réconciliation», prévient enfin le rapport.

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