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La prochaine mise en marche en Ethiopie du Grand barrage de la Renaissance exacerbe l'angoisse des Egyptiens

L'Egypte, qui souffre depuis des années d'une grave crise de l'eau, voit comme une menace la mise en service d’un gigantesque barrage en Ethiopie.

Article rédigé par franceinfo Afrique avec AFP
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La mise en service du Grand barrage de la Renaissance, en Ethiopie, devrait se faire par étapes entre fin 2020 et début 2022.  (GIOIA FORSTER / DPA PICTURE-ALLIANCE/ AFP)

La population égyptienne et notamment les agriculteurs considèrent la prochaine mise en route du Grand barrage de la Renaissance comme un danger. Cette immense infrastructure hydroélectrique éthiopienne pour produire de l'électricité pourrait réduire considérablement leur approvisionnement en eau. L'Ethiopie dément et déclare que la part de l'eau d'Egypte ne sera pas affectée. Aucun accord sur la répartition de l'eau entre ces deux pays n’a, pour l’instant, donné satisfaction.

Le Nil est le plus long fleuve au monde. Il sert d'artère vitale en Afrique de l'Est aux dix pays qu'il traverse. Il fournit 97% des besoins en eau de l'Egypte dont les rives abritent 95% des quelque 100 millions d'habitants du pays, selon les Nations unies.

Mais en Egypte, l’eau est une devenue une denrée précieuse car le pays souffre depuis des années d'une grave crise de cette ressource. Les principales causes en sont la surpopulation (de 35 millions en 1970, la population est passée à 100 millions aujourd'hui), le changement climatique et la pollution. Il n’est plus exceptionnel de voir des conflits éclater entre cultivateurs égyptiens car l’eau du Nil pour arroser leurs champs se fait de plus en plus rare.

Un couple d’agriculteurs égyptiens travaille la terre dans leur ferme du village de Baharmis, le 1er décembre 2019.  (KHALED DESOUKI / AFP)

Selon les hydrologues égyptiens, le niveau de pénurie est atteint lorsque les ressources passent en dessous de 1 000 m³ par personne et par an. La part de l'Egypte a atteint 570 m³ en 2018 et devrait descendre à 500 m³ d'ici à 2025.

Pour essayer d’amoindrir ce problème, le gouvernement du Caire a pris des mesures en faveur de la sauvegarde des ressources en eau du pays. Des robinets qui permettent d'économiser l'eau ont été installés dans les lieux publics, mais aussi pour mieux réguler l'irrigation des cultures gourmandes, comme le riz. L'Egypte a également signé des contrats avec la société américaine Fluence Corp pour la construction d'usines de dessalement d'eau de mer, selon la compagnie.

Chantier du Grand barrage de la Renaissance à Guba Woreda, dans l'Etat de Benishangul Gumuz, en Ethiopie, le 26 septembre 2019.  (TIKSA NEGERI/REUTERS)

La construction lancée en 2011 en Ethiopie du Grand barrage de la Renaissance, dont la mise en service doit commencer en 2020, et qui doit être complètement opérationnel en 2022, n’a fait qu’accentuer l’inquiétude des Egyptiens.

Neuf années de négociations entre l'Egypte, l'Ethiopie et le Soudan, autre pays concerné par ce barrage, n'ont abouti pour l’instant à aucun accord satisfaisant.

En octobre 2019, les trois pays se sont rencontrés pour poursuivre les pourparlers au sujet des points de désaccord sur le remplissage du réservoir et le fonctionnement du barrage.

Le Caire réclame un minimum annuel garanti de 40 milliards de m³, ce à quoi l'Ethiopie n'a pas donné son accord. L'Ethiopie de son côté juge ce barrage de quatre milliards de dollars indispensable pour son développement économique. Et le Soudan, au contraire de l’Egypte, juge ce projet bénéfique car le barrage fournirait de l'électricité et contribuerait à réguler les crues du fleuve.

Le 7 novembre à Washington, en présence de la Banque mondiale et d'observateurs américains, les trois pays se sont donnés jusqu'au 15 janvier 2020 pour aboutir.

"Il faut parvenir à un accord. Sinon l'Egypte sera face à des risques économiques et sociaux insurmontables", estime Hani Raslan, du Centre Al-Ahram pour les études politiques et stratégiques au Caire. Terres asséchées, rendement agricole en baisse et difficultés à produire de l'électricité depuis le barrage d'Assouan (sud de l’Egypte) figurent parmi ces risques, selon lui. "Cela pourrait finalement se traduire par une crise politique et de l'instabilité" a-t-il déclaré à l’AFP.

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