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L'obésité, un critère de beauté : "La pratique du gavage des filles peine à disparaître en Mauritanie"

De gré ou de force, elles doivent ingurgiter des quantités insupportables de nourriture pour grossir et plaire à leurs futurs maris. franceinfo Afrique a recueilli le témoignage d'une militante qui dénonce ce rituel ancestral.

Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Une femme en pleine séance de gavage en Mauritanie. (Capture d'écran Youtube)

On croyait cette coutume traditionnelle totalement disparue en Mauritanie. Il n’en est rien. Cette pratique ancestrale vient d’être portée à l’écran par une réalisatrice italienne. Michela Occhipinti s’est rendue à plusieurs reprises dans ce pays où elle a recueilli de nombreux témoignages. Elle en a tiré une fiction avec un constat sans appel : si la pratique du gavage n’est plus systématique en Mauritanie, elle est encore largement répandue dans le désert. Elle toucherait 40% des filles.

C’est ce que confirme à franceinfo Afrique Aminetou Mint Moctar, présidente de l’Association mauritanienne des Femmes Chefs de Familles (AFCF). Oui, le gavage n’est plus très répandu, reconnaît-elle, mais ce rite est loin d’avoir disparu dans le pays. Il se maintient particulièrement dans les zones rurales. "Le gavage continue d’exister, parce qu’il s’agit d'un critère de beauté pour les filles. Et beaucoup d’hommes y tiennent énormément. C’est aussi un signe de richesse. Parce qu’une famille qui ne gave pas ses filles est une famille marginalisée", explique-t-elle.

Aminetou Mint Moctar est présidente de l'Association des Femmes Chefs de Familles. C'est l'une des ONG qui dénoncen les méfaits du gavage depuis plusieurs années en Mauritanie. (SEYLLOU / AFP)

Madame Mint Moctar décrit à franceinfo Afrique un rituel particulièrement douloureux, qui porte atteinte "à l’intégrité physique de la femme". Pour plaire à un homme, la fille doit absolument prendre du poids et remplir les habits qu’elle porte.

Malheureusement, la plupart de nos hommes n'aiment pas les femmes minces. Ils préfèrent les femmes volumineuses.

Aminetou Mint Moctar, présidente de l'AFCM

à Franceinfo Afrique

Dès l’âge de trois ans, les petites filles vivent donc un calvaire, dénonce Aminetou Mint Moktar. Elles doivent ingurgiter de très grandes quantités de lait, des denrées alimentaires comme la bouillie et le couscous. Plus les années passent, plus le régime s’intensifie en graisses de toutes sortes. Du beurre, des arachides… Certaines jeunes femmes prennent jusqu’à vingt kilos en deux mois, en mangeant dix repas quotidiens jour et nuit. Et ce n’est pas tout. "Faute de disposer d’assez de lait, il y a de nouvelles méthodes plus dangereuses que les femmes des villes utilisent. Elles prennent des hormones de croissance pour animaux, mais aussi des corticoïdes utilisés pour certaines maladies comme l’asthme et les rhumatismes. Ces produits font gonfler la peau et donnent l’illusion d’une prise de poids", se désole Aminetou Mint Moktar.

"Des visages envahis par la barbe et la moustache"

C’est dire l’ampleur des dégâts parmi les filles et les jeunes femmes soumises à ce rituel qui fait gonfler leurs corps comme des ballons. "Il y a eu beaucoup de décès. Le corps de la femme et ses organes ne peuvent pas supporter ce traitement inhumain. Elles souffrent d’hypertension artérielle, succombent aux maladies cardiovasculaires. D’autres souffrent de malformations osseuses. Certaines voient soudainement leurs visages envahis par la barbe et la moustache…", explique Aminetou Mint Moctar.

Une jeune fille mauritanienne en pleine séance de gavage. (Capture d'écran Youtube)
Elle observe toutefois que beaucoup de jeunes filles ont compris aujourd’hui le danger que représente le gavage, mais que le chemin reste long pour éradiquer ces traditions bien ancrées dans la société. "Dommage, on n'est pas aidé par des lois qui criminalisent cette pratique. Aucune loi n’interdit aujourd'hui le gavage qui porte atteinte à l’intégrité physique de la femme. Une violation grave des droits humains", dénonce-t-elle.

La présidente de l’Association mauritanienne des Femmes Chefs de Famille salue l’initiative de Michela Ochippinti, la réalisatrice italienne qui vient de porter à l’écran le sort tragique des femmes mauritaniennes soumises au rituel du gavage. Pour elle, Le mariage de Vérida contribuera à sensibiliser l’opinion publique sur les méfaits de cette pratique archaïque, qui n’a plus sa place en Mauritanie.

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