Cet article date de plus de sept ans.

Egypte: qui sont les soufis, fidèles de la mosquée attaquée par des terroristes?

La mosquée du Nord-Sinaï, où 235 fidèles ont été tués dans un attentat le 24 novembre 2017, était fréquentée par des musulmans soufis. Ceux-ci sont les adeptes d'un courant mystique de l'islam honnis des dihadistes du groupe Etat islamique (EI).
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des Egyptiens célébrent l'anniversaire du fondateur de l'ordre soufi Badawiyyah à Tanta (nord de l'Egypte) le 12 octobre 2017. (AFP - AHMED AL SAYED - ANADOLU AGENCY)

Selon un chef de tribu bédouine, cité par l’AFP, la mosquée al Rawda, dans la région orientale du Sinaï, était «soufie» et contenait une «zaouïa», un édifice religieux utilisé par les mystiques pour les prières et rassemblements. L’organisation EI apparaît comme le principal suspect de l'attentat. Mais elle n'a pas revendiqué cette attaque. Il n'est donc pas possible, pour l’instant, d'affirmer avec certitude que la mosquée était visée à cause de ses liens avec le soufisme.

Pour autant, cette minorité de l'islam a été attaquée partout où l'EI opère. Que ce soit en Egypte mais aussi au Pakistan où des dizaines de soufis ont été tués par les salafistes.
           
En 2016, l'EI avait enlevé puis décapité un vieux chef soufi, l'accusant de pratiquer la sorcellerie. Dans une interview publiée ensuite dans la lettre d'information de l'EI al-Nabaa, le commandant de la «police de la moralité» de l'organisation au Sinaï, estimait que la «première priorité était de combattre les manifestations du polythéisme, y compris le soufisme».

S'il était confirmé que la mosquée a été attaquée en raison de l’importance qu’elle a aux yeux des soufis, cela s'inscrirait dans la tactique de l'EI en Egypte. Celle-ci vise de plus en plus des civils, notamment de minorités religieuses, après avoir ciblé principalement les forces de sécurité.

Etat de pureté
Les djihadistes de l'EI adhèrent à une version extrême du salafisme, courant rigoriste de l'islam, pratiqué en Arabie saoudite et qui considère les soufis comme des hérétiques. Ils les accusent du plus grand péché de l'islam, le polythéisme, en raison de leur recours à l'intercession des saints morts.

Les salafistes condamnent aussi ce qu'ils appellent les «innovations», ces rites et prières adoptés par les soufis sans que le prophète Mohamed lui-même ne les ait jamais prescrits.

Inspirés par certains compagnons du Prophète et par les premières générations d'ascètes, les soufis disent vouloir se concentrer sur l'obtention d'un état de pureté pour témoigner de la présence de Dieu dans leurs vies. Selon certaines sources, le terme soufisme dériverait du mot pureté, ce que d’autres contestent. 

Certains adeptes, comme les derviches tourneurs, intègrent de la musique dans leurs prières ou des danses. Mais d'autres en revanche rejettent ces pratiques.
           
Dans une grande partie du monde musulman, le soufisme a été accepté et pratiqué depuis des siècles, aussi bien par les fidèles que par les théologiens les plus influents de l'islam sunnite.

Le cheikh Ahmed el-Tayeb, grand imam d'Al-Azhar, plus haute autorité de l'islam sunnite en Egypte, est lui-même un soufi, tout comme de nombreux hauts dignitaires religieux musulmans.
           
Dans un discours télévisé, le grand imam d'Al-Azhar a condamné «un terrorisme noir et brutal» après l'attaque de la mosquée.

Au fil des années, les mystiques soufistes ont gagné en influence. Les gouvernements arabes les ont acceptés en raison de leur quiétisme politique. Mais certains de leurs dirigeants ont été critiqués pour être devenus trop attachés aux biens de ce monde.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.