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Le Sénégal sous haute tension après l'arrestation d'Ousmane Sonko

Ce qui n'était au départ qu'une sombre affaire de mœurs dérape en crise politique. Elle cristallise les rancœurs d'une jeunesse qui rejette le pouvoir actuel.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des gendarmes interviennent à l'Université de Dakar contre des manifestants le 4 mars 2021. (SEYLLOU / AFP)

"Le Sénégal s'embrase" titre RFI. Pour Jeune Afrique, "la colère tourne à l'émeute". France 24 de son côté retient que "des média sont suspendus". Tandis qu'Amnesty dénonce "des atteintes aux droits humains".

Le ton général est très alarmiste au lendemain des émeutes qui ont touché plusieurs villes du Sénégal. A Bignona en Casamance, un jeune conducteur de moto-taxi a été tué par balle. Tout le monde craint un débordement généralisé, qui illustrerait la cristallisation des "frustrations de la population", selon les termes du journal Le Monde.

Au départ, tout commence par une sombre affaire de mœurs. Ousmane Sonko, figure de l'opposition candidat à la dernière présidentielle, est accusé de "viols et menace de mort", par une employée d'un salon de massage. Selon elle, Sonko, client habituel aurait exigé des "faveurs sexuelles".

Du fait divers au conflit politique

Depuis début février l'enquête est en cours. Mais l'accusé se montre peu coopératif. Ousmane Sonko dénonce une machination pour l'écarter du jeu politique. Son avocat, lui, met en avant la qualité de député de son client et réclame la levée de son immunité avant d'aller plus avant dans l'enquête. Or Ousmane Sonko est également chef d'un parti politique le Pastef (Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité).

Et dès l'annonce des faits qui lui sont reprochés, début février, des dizaines de jeunes sympathisants ont commencé à manifester pour soutenir leur leader.

De fil en aiguille, le ton est devenu très politique. D'autant que le discours de rupture de Sonko fédère de nombreux jeunes qui ne veulent plus du pouvoir actuel, sur fond de crise économique et sanitaire. Ainsi, c'est un cortège qui a accompagné mercredi 3 mars le leader politique au tribunal où il devait être entendu.

Explosion de violences

La situation a vite dégénéré en affrontements avec les forces de l'ordre. L'arrestation d'Ousmane Sonko pour troubles à l'ordre public n'a fait qu'aggraver la situation, et a multiplié les actions des jeunes dans plusieurs villes.

Selon le site internet Seneweb les violences se poursuivent vendredi 5 mars dans les rues de Sédhiou en Casamance, région dont est originaire Ousmane Sonko. Une région qui sort à peine d'un long conflit mené par des rebelles séparatistes. "Les manifestants, en transe, s’attaquent aux institutions. La gouvernance, la mairie, l’inspection d’académie, l’inspection des Eaux et Forêts et Chasse, la nouvelle place publique ont été caillassées", rapporte Seneweb. C'est également en Casamance que le premier mort a été déploré.

Des forces de l'ordre accusées

Les autorités semblent débordées par les agissements de jeunes déterminés. Des commerces ont été pillés. Des témoins, vidéo à l'appui  rapportent que des routes ont été coupées, des véhicules caillassés, sans que les forces de l'ordre n'interviennent.

A l'inverse, des observateurs notamment Amnesty International dénoncent l'excès de certaines opérations de police et la présence d'hommes en civils dans des opérations de maintien de l'ordre.

"L’Etat ne doit pas permettre la présence d’individus non identifiés comme faisant partie des forces de l’ordre pour des opérations de maintien de l’ordre, ni l’usage excessif de la force dont ils ont fait preuve. Ce sont des évidentes violations du droit international des droits humains" a averti Amnesty international.

Pression sur les medias

L'interruption de la diffusion de deux chaînes de télévision alimente aussi les critiques contre le pouvoir. Le signal de deux télévisions privées, Sen TV et Walf TV, a été coupé pour 72 heures. Il leurs est reproché la diffusion "en boucle des images de violence". Mais les manifestants s'en sont pris également à deux organes d'information, accusés d'être proche du pouvoir.

Twitter, semble être devenu le canal des opposants au président Macky Sall. Ils dénoncent un pouvoir qui, selon eux, est devenu une dictature. Macky Sall qui, il y a peu, se déclarait totalement étranger au dossier Ousmane Sonko, doit désormais gérer la crise que cette affaire a provoqué.

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