Sahara occidental : frémissements autour d'un conflit vieux de 40 ans
«La situation au Sahara occidental est globalement calme. Le cessez-le-feu continue d’être respecté et la population peut vaquer à ses occupations sans craindre une reprise du conflit armé à moyen terme.» Le rapport du Conseil de Sécurité de l’ONU sur la situation au sud du Maroc dresse le portrait d’une région stable. Pourtant, le conflit entre le Front Polisario et l’Etat marocain n’est officiellement pas terminé et une solution définitive est aussi peu envisageable qu’un conflit ouvert.
Le conflit au Sahara occidental est né en 1975 lors du retrait espagnol du cette vaste région habitée par moins d'un million d'habitants. L'ancienne puissance coloniale entendait céder les terres au Maroc et à la Mauritanie, sans tenir compte des velléités d'indépendance du peuple Sahraoui. Le Front Polisario (abrégé de Frente Popular de Liberación de Saguía el Hamra y Río de Oro), qui avait déjà lutté contre les Espagnols, se retourne contre le Maroc et la Mauritanie. La Mauritanie signe un cessez-le-feu dès 1979, mais le Maroc et le Polisario continuent de s'affronter jusqu'en 1991. A cette date, un autre cessez-le-feu est signé, renforcé par un «mur de sable» de plus de 2700 kilomètres construit par l'armée marocaine, qui sépare toujours les positions tenues par le Maroc (80% du Sahara occidental) des positions du Polisario.
Les axes Rabat-Paris et Polisario-Alger toujours inconciliables
Depuis, le Maroc défend la solution de «l’autonomie sous souveraineté marocaine» pour le Sahara occidental. Une proposition soutenue avec ferveur depuis Paris, qui défend son meilleur allié dans le Maghreb. En 2012, le porte-parole du Quai d'Orsay résumait la position française: «La France renouvelle son appui au plan d'autonomie marocain, qui est la seule proposition réaliste aujourd'hui sur la table des négociations et qui constitue la base sérieuse et crédible d'une solution.»
De son côté, le Front Polisario a constitué la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) sur la zone qu'il contrôle et demande la tenue d'un référendum d'autodétermination dans tout le Sahara occidental. Selon tous les sondages, un tel référendum aboutirait à un vote d'indépendance. Depuis le début du conflit, le Front bénéficie d'un soutien politique, logistique et militaire sans faille de l'Algérie. En plus d'affaiblir le rival marocain, la création d’un Etat sahraoui redevable à Alger lui donnerait un précieux accès à l’océan Atlantique qui diminuerait ses coûts d’exportation.
L'ONU embourbée
En 1991, à la suite du cessez-le-feu, l'ONU a lancé sa Mission pour un référendum au Sahara occidental, ou Minurso. Comme son nom l'indique, la mission était censée permettre l'organisation rapide d'un référendum au Sahara occidental, tout en assurant la paix entre le Front et le Maroc. De l'aveu même de l'ONU, cet objectif fut un échec complet. Les négociations entre Maroc, Algérie, Mauritanie et RASD ont à peine évolué depuis 1991. Le Maroc, l'Algérie et le Polisario sont figés sur leurs positions, tandis que la Mauritanie, ancienne alliée du Maroc, se targue d'une énigmatique «neutralité positive».
Le mandat de l'ONU a progressivement évolué vers l'assistance aux réfugiés, l'aide au développement économique et la désactivation des milliers de mines posées autour du mur de sable, qui continuent à faire des victimes chaque année. Il est d'ailleurs à noter que la Minurso est la seule mission de l'ONU au monde dont le mandat ne comprend pas de volet sur les droits de l'Homme. L'ONU est donc incapable d'agir en cas de violations de part et d'autre, comme en 2013 lorsque six militants sahraouis avaient accusé la police marocaine de torture. Malgré de lourdes critiques à l'intérieur de l'ONU sur ce point, la possibilité d'une introduction des droits de l'Homme dans la mission de la Minurso est bloquée par la France et son droit de veto, pour le compte de son allié marocain.
Comme le mandat de la Minurso contient toujours l'objectif d'organiser un référendum d'autodétermination pour les Sahraouis, chaque nouvelle nomination au sein de l'organigramme de l'instance onusienne est l'occasion pour le Maroc d'attirer l'attention sur sa cause en accusant l'ONU et ses envoyés d'être «partiaux» et «pro-Polisario». Une manière comme une autre de relancer la question et d'échanger quelques piques avec Alger.
L’envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies, Christopher Ross, est d’ailleurs au centre d’un véritable jeu de poker-menteur. La presse marocaine a fait état d’un «ras-le-bol» de l’envoyé, qui multiplie les rencontres bilatérales depuis de nombreux mois sans parvenir à fluidifier le dialogue entre les différentes parties. Des rumeurs de démission ont même été lancées par la presse fidèle à Rabat, immédiatemment démenties par la presse algérienne et sahraouie, qui accusent au passage le Maroc de bloquer des négociations qui seraient «en bonne voie».
La solution viendra des Sahraouis
Pour les années à venir, difficile d'envisager beaucoup de mouvements le long des lignes de cette guerre de tranchées diplomatique. Heureusement, sur le terrain, les Sahraouis n'ont pas attendu que les politiques parlent pour sortir du conflit. Des deux côtés du mur de sable, la vie s'est organisée. Le mur est de plus en plus franchissable, grâce notamment aux efforts de la Minurso. Du côté marocain, le niveau de vie moyen des Sahraouis est même supérieur à celui du reste du pays. L'arrivée d'une nouvelle jeunesse sahraouie, qui n'a pas connu le conflit armé, laisse espérer la mise en place d'un dialogue qui ne passerait plus par Rabat et Alger.
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