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Parler anglais s'impose désormais "comme une évidence" en Afrique francophone

Le linguiste gabonais Daniel Franck Idiata parle de "dictature de l’anglais". Il pointe du doigt la francophonie, devenue trop politisée. Elle ne répond plus aux attentes des jeunes Africains avides de sciences et de technologies, explique-t-il à franceinfo Afrique.

Article rédigé par Martin Mateso
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Panneau publicitaire en anglais dans les rues de Kigali. Anciennement francophone, le Rwanda parle désormais anglais. (ED CROPLEY / X03847)

Daniel Franck Idiata est un linguiste chevronné. Il enseigne à l’université Omar Bongo de Libreville et dirige le Centre national de la recherche scientifique du Gabon. Son constat est sans équivoque. On assiste, dit-il, à "une marginalisation progressive" du français qui perd de plus en plus du terrain en Afrique. Il en donne pour preuve son propre pays. Classé parmi les plus francophiles en Afrique centrale, le Gabon est en train de s’adapter et de s’arrimer "à la dictature de l’anglais", témoigne-t-il.

"De plus en plus de diplômés n’arrivent pas à obtenir leur premier emploi parce qu’ils n’ont pas de connaissances suffisantes en anglais. On leur demande d’avoir des compétences en cette langue, comme prérequis absolument indispensable. Par conséquent, la plupart des établissements gabonais s’adaptent et offrent à leurs étudiants des formations poussées en anglais" explique-t-il à franceinfo Afrique.

Des jeunes désabusés par "une francophonie trop politicienne"

Franck Idiata est formel, les francophones africains réalisent de plus en plus que l’anglais est devenu incontournable pour s’ouvrir au nouveau monde. Les jeunes Africains, avides de sciences et de technologies, sont désabusés par la posture de la francophonie, devenue, à leurs yeux, trop politisée. Une organisation souvent occupée à observer le processus électoral sur le continent.

Le problème de la francophonie, c'est sa politisation et une certaine idéologie du sur-place. Tant qu'on n'aura pas des leaders mondiaux au niveau technologique et des modèles francophones viables, le combat est perdu d'avance

Franck Idiata, linguiste gabonais

à franceinfo Afrique

Le professeur Daniel Franck Idiatta est linguiste. Il enseigne à l'université Omar Bongo de Libreville et dirige le centre national de la recherche scientifique du Gabon. (Photo/ D.F.Idiata)

Franck Idiata explique que si les pays francophones "se retrouvent aujourd’hui à la remorque", c’est que le français cesse progressivement d’être la langue de diffusion des connaissances scientifiques et techniques à travers le monde, au profit de l’anglais. La francophonie, déplore-t-il, se confine aux belles lettres. Et les jeunes ont besoin d'autre chose. Ils sont dans la technologie et dans la recherche de l’emploi. Pas étonnant donc de voir des pays africains changer de logiciel. C'est le cas de l'Algérie, qui a annoncé récemment son intention de remplacer le français par l'anglais dans ses universités.

"Le marché international de la science et de la technologie se conjugue en anglais. Vous sortez d'Afrique, malheureusement, vous êtes confronté à l’évidence que l’anglais est devenu incontournable. Et si vous n’avez pas de compétences en anglais, vous êtes bien malheureux. La seule langue qui vous ouvre les portes du monde entier, y compris Paris, c’est l'anglais", constate-t-il.

"On a l’impression que la France a lâché prise"

Comment, dans ces conditions, convaincre des jeunes étudiants africains de la nécessité de parler français, interroge le professeur Franck Idiata. Pour lui, il faut se rendre à l’évidence, le français a déjà perdu de son influence en Afrique. Et rien ne semble stopper un processus devenu irréversible.

Regardez un peu toute la dynamique culturelle et économique en Afrique. La France est en train d'y perdre pied. En plus de l'anglais, le mandarin (langue chinoise) est en train de s'imposer dans des établissements d'enseignement supérieur

Franck Idiata, linguiste gabonais

à franceinfo Afrique

Le professeur Idiata a l’impression que la France "a lâché prise" dans ce bras de fer linguistique engagé dans son ancien pré carré. La nature ayant horreur du vide, il ne faut donc pas s'étonner que d’autres occupent la place, explique-t-il.

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