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Zimbabwe: les victoires électorales volées de l’opposition

Les résultats de la présidentielle au Zimbabwe ne sont pas encore connus, mais le leader de l'opposition Nelson Chamisa affirme qu'ils sont en train d'être truqués. Il faut dire que les scrutins de l'ère Mugabe ont été entachés de fraudes et de violences. Son successeur et ancien bras droit, Emmerson Mnangagwa, avait pourtant promis des élections justes, pacifiques et transparentes.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Morgan Tsvangirai et les leaders du MDC, blessés, quittent la court d' Harare en mars 2007  (DESMOND KWANDE / AFP)

Alors que la commission électorale (ZEC) n'a pas encore donné les résultats de l'élection présidentielle, l'opposition a revendiqué la victoire de son candidat Nelson Chamisa dès le premier tour. «Les résultats montrent au-delà de tout doute raisonnable que nous avons gagné les élections et que le prochain président du Zimbabwe est Nelson Chamisa», a déclaré le 31 août 2018 un haut responsable du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), Tendai Biti, disant se baser sur les résultats des agents du parti.

Les observateurs de l'Union européenne (UE), qui ont validé toutes les élections sur le continent, ont cette fois timidement dénoncé «l'inégalité des chances» entre les candidats et des «intimidations d'électeurs», tout en soulignant que le climat politique s'est «amélioré» au Zimbabwe.

Il faut dire que quand il était au pouvoir, l’ancien président Robert Mugabe ne ménageait pas ses efforts pour voler les élections. Il avait même juré en public que le MDC, principal mouvement d’opposition au Zimbabwe, ne dirigerait jamais le pays de son vivant.

Le père de l’indépendance, devenu dictateur, a usé des pires méthodes pour barrer la route à l’opposition. Laquelle a été incarnée durant 20 ans par la figure de Morgan Tsvangirai, mort en février 2018 d’un cancer.

Au pouvoir depuis 38 ans, la ZANU-PF, le parti de Robert Mugabé, n’a jamais quitté le pouvoir, même lorsqu’il a perdu les élections.

Elections volées
En 1999, Morgan Tsvangirai fonde le Mouvement pour le changement démocratique (MDC). Ce nouveau parti fédère en grande partie l'opposition, jusqu'alors morcelée. Tsvangirai est alors visé par une campagne de déstabilisation et est la cible d'attentats.

En mars 2007, il est incarcéré et passé à tabac à la suite d'une manifestation du MDC et d'autres mouvements politiques regroupés dans une coalition dénommée «Campagne pour sauver le Zimbabwe» («Save Zimbabwe Campaign»), interdite par le gouvernement. Ce rassemblement entend dénoncer la crise sociale, économique et politique que connaissait le Zimbabwe depuis l'an 2000 (en février 2007, le taux d'inflation atteint les 1600 %).

Poursuivi en justice avec une cinquantaine d'autres opposants, il comparaît le surlendemain de son arrestation, en boitant, avec une blessure à la tête, un œil enflé. La photo fera le tour des rédactions.

Tvangirai est de nouveau candidat à l'élection à l'élection présidentielle de 2008, face à Robert Mugabe. D'après les résultats proclamés le 2 mai de cette année-là (plus d'un mois après le premier tour), Morgan Tsvangirai obtient 47,9 % des suffrages, devançant Mugabe (43,2 % des voix).

Mais après ce premier tour, tous les stratagèmes sont utilisés pour barrer la route du pouvoir au rival de Mugabe : arrestations de proches, intimidations, meurtres de ses partisans, exactions contre leurs familles, mains coupées… Usant d'une violence extrême, le régime aux abois a appliqué une terreur d'État savamment orchestrée, jusqu'à obtenir le retrait du favori.

Tsvangirai renonce au second tour
Face aux risques encourus par ses partisans, Morgan Tsvangirai avait préféré jeter l'éponge. Celui qui aurait eu, si la compétition avait été libre, toutes les chances de devenir le deuxième président de l'ex-Rhodésie britannique, ne se présente pas au second tour devant son peuple.

Le 6 mars 2009, il est victime d'un accident de voiture qui coûte la vie à son épouse. Tsvangirai réfute la possibilité qu'il puisse s'agir d'un attentat contre lui. Mais sa formation rappelle que nombre d'opposants du pouvoir en place «sont morts lors d'accidents de la route suspects impliquant des camions de l'armée».

L’ancien ouvrier syndicaliste n’a pour autant jamais abandonné la lutte, il est mort dans un autre combat, contre le cancer, le 14 février 2018. Son successeur à la tête du MDC, Nelson Chamisa tente de reprendre le flambeau, mais l’histoire pourrait se répéter.

Selon des résultats partiels publiés par la ZEC, la ZANU-PF obtiendrait la majorité absolue à la Chambre basse. Le MDC aurait obtenu moins d'un tiers des 210 sièges que compte l’assemblée. Des affrontements avec la police, à l’annonce des résultats, ont fait 3 morts dans ses rangs. La commission électorale a appelé jeudi la population à la «patience» et promis l'annonce des résultats de la présidentielle tard dans la soirée du 3 août.

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