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Présidentielle au Mali : soupçons et rumeurs de fraude lors du 1er tour
Lors du premier tour de la présidentielle au Mali le 29 juillet 2018, le président sortant Ibrahim Boubacar Keïta est arrivé premier avec 41,2% des voix devant le chef de l’opposition, Soumaïla Cissé, selon les chiffres officiels. Le 2e tour aura lieu le 12 août. Dans le nord du pays, où l’Etat est peu présent, fleurissent les soupçons de fraude. Des soupçons qui attisent les tensions ethniques.
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Thé à la main, Alassane Maïga ne décolère pas: «On a bourré les urnes pour le candidat du pouvoir dans les zones nomades». «On», ce sont les «peaux claires», Touaregs et Arabes, précise cet enseignant de Gao, la plus grande ville du Nord,. Il est convaincu que ce sont les mêmes qui, «tous les jours», causent de «l'insécurité». Pour autant, l’enseignant n’est pas en mesure de préciser laquelle de ces communautés il accuse.
«Quand dans un village, il y a 5000, 6000 personnes qui votent... c'est du bourrage. C'est trop!», tempête cet homme de 45 ans, observateur électoral à Gao lors du premier tour.
Pas de publication des résultats bureau par bureau
Ces allégations sont sur toutes les lèvres des partisans de l'opposition depuis la proclamation des résultats officiels provisoires par le ministère de l'Administration territoriale, le 2 août. Mais elles sont difficiles à prouver. Le gouvernement a annoncé ces résultats à l'échelle nationale, mais n'a «pas du tout l’intention de les publier en détail, bureau par bureau», a indiqué une source proche du ministère. Lequel est resté sourd aux demandes répétées de l'opposition et des observateurs internationaux, et formulées au nom de l'exigence de «transparence».
Une à une, alors qu'une patrouille de police des Nations unies est venue dans son quartier en prendre le pouls, Alassane énumère les communes proches où les «peaux claires» auraient, selon lui, «bourré les urnes» au profit du président. Surnommé «IBK», celui-ci est donné grand favori du second tour.
Insécurité propice aux fraudes
En mars, les autorités avaient imposé un couvre-feu d'une semaine à Gao, à la suite d'affrontements mortels entre communautés songhaïe et arabe. Dans cette région, où l'Etat est peu ou pas présent, les groupes armés signataires de l'accord de paix de 2015, principalement touaregs, ont participé à la sécurisation du vote. Plusieurs habitants de Gao accusent le parti présidentiel d'en avoir profité pour pactiser avec eux afin de truquer le scrutin.
«On entend ça partout en ville», confirme un responsable de la Mission des Nations unies au Mali (Minusma), sous couvert de l'anonymat. Mais sans pouvoir confirmer pour autant qu'il y a bien eu fraude.
Le 5 août, l'entourage de Soumaïla Cissé a annoncé à l'AFP avoir saisi la cour constitutionnelle du pays pour «bourrages d'urnes, violation de la loi électorale, irrégularités» par le camp d’IBK. Deux autres opposants, l'homme d'affaires Aliou Boubacar Diallo et l'ex-Premier ministre Cheick Modibo Diarra, respectivement arrivés troisième et quatrième, ont également saisi la justice.
«Les bourrages d'urnes expliquent notamment les scores d'IBK dans le Nord et le centre», a affirmé un porte-parole du chef de l'opposition.
«IBK a volé là où il n’y a pas de sécurité»
«C'est une fraude totale!», lance de son côté un autre électeur rencontré à Gao par l'AFP, Mohammed Touré, qui est en train de prendre le thé avec des amis. «Dans une commune, ils ont eu 9772 voix pour IBK et seulement une pour Cissé... Alors qu’il n'y a que 9000 inscrits!», affirme cet entrepreneur de 31 ans. Lequel dit tenir ces informations de gens sur place, alors que la participation au niveau national a été officiellement de 43,06%.
La ville de Gao, aux portes du désert, a été étonnamment calme lors du scrutin. Mais à travers le pays, plus de 700 bureaux de vote, essentiellement dans les zones rurales du centre, sur quelque 23.000, n'ont pas pu ouvrir en raison d'incidents violents.
«C'est dans les zones où il n'y a pas de sécurité qu'on entend qu'IBK a volé. Là-bas, les chefs de bureau ont pris les urnes et les ont remplies pour IBK», affirme Abdoulmajid Agagrossi, 23 ans.
Cet électricien au chômage, qui ne demande que «du travail» et de «rester en paix», a affiché sa préférence jusque sur le guidon de son scooter, où trône le visage de Soumaïla Cissé, natif de la région de Tombouctou (nord-ouest). Contrairement à IBK, originaire du Sud.
Cinq ans après l'intervention française qui a chassé les djihadistes du Nord, où ils avaient instauré un régime de terreur, les habitants de Gao, rencontrés par l'AFP, qu’ils soient pro-IBK ou pro-Cissé, s'accordent sur une chose: les violences doivent cesser.
«On veut que le gouvernement travaille pour la sécurité du Mali», résume Ismaël, guide touristique de 24 ans, reconverti vendeur d'artisanat dans la base des troupes de l'opération française Barkhane.
Vêtu d'un boubou blanc écarlate, Idriss Adrega, lui, soutient IBK, car «on ne peut pas nier ce qu'il a fait». Tout en exprimant des regrets: «Les routes sont mauvaises, il y a beaucoup de choses qui nous manquent, il n'y a pas de sécurité, on nous tire dessus».
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