Nigeria: le conflit avec les éleveurs fulanis fait plus de morts que Boko Haram
Les cercueils sont posés sur la remorque d’un camion porte-chars. Un bien triste corbillard pour conduire en leur dernière demeure les victimes des éleveurs fulanis. La scène s’est passée le 11 janvier 2018 à Makurdi, au centre du Nigeria, où la population a enterré 73 des siens, victimes des attaques des Fulanis. Les funérailles ont été payées par le gouvernement fédéral, pour bien montrer le soutien des autorités d’Abuja.
Car le président du Nigeria Muhammadu Buhari est lui-même d’ethnie fulanie. Il ne faudrait pas que sur ce dossier il paraisse partisan. Aussi, outre les funérailles, Il a donné l’ordre aux forces armées de faire cesser les raids des éleveurs. Il faut dire que le pouvoir central, sans doute trop occupé à chasser les fanatiques de Boko Haram, a sensiblement ignoré la situation des fermiers du centre du pays.
Nigeria’s Fulani herdsmen are terrorists. Buhari should stop playing games and proscribe and prosecute #FulaniHerdsmen. @MBuhari @OfficialPDPNig @ProfOsinbajo @bukolasaraki @YakubDogara @SkyNews @FoxNews @Channel4News @TheSun @IBTimesUK @BuzzFeedNews @Reuters @CNBC @HuffPost pic.twitter.com/ZN14ZGaimd
— ≋ A B ≋ (@AgorasBlog) January 9, 2018
Pourtant, depuis plus de vingt ans, le conflit des Fulanis empoisonne le Nigeria. Les heurts se multiplient entre des fermiers et les groupes d’éleveurs semi-nomades, provoquant la mort de milliers de personnes. En 2016, ce conflit du pastoralisme a provoqué deux fois plus de morts que Boko Haram, pourtant tristement plus célèbre.
Police et armée ont désormais reçu les instructions de repousser les éleveurs vers le Nord. Les ordres sont simples et clairs: tirer à vue sur tout porteur d’arme à la moindre menace. C’est le super-intendant Bossman Onene-Boadi qui l’a dit à ses 200 hommes. «Ce ne sont pas des gens qu’il faut prendre à la légère, ils sont dangereux. Si vous les prenez pour une plaisanterie, ils vous tueront.» Il faut dire qu’ici, il y a peu de temps, trois soldats et un policier sont tombés dans une embuscade et ont été laissés pour morts.
See all the coffins. The President did not seem it to attend the burial. No single arrest made. This is not the first or the second time.@MBuhari @NGRSenate @HouseNGR @YakubDogara @segalink @channelstv @GuardianNigeria @MobilePunch @UN @realalu #BenueMourns #FulaniHerdsmen pic.twitter.com/AIyKc2QAaf
— Valentine Utulu (@ValentineUtulu) January 12, 2018
En fait, ce conflit est un véritable cas d’école. Ici sont réunis tous les ferments d’une guerre civile sanglante.
C’est d’abord, et comme souvent, un conflit ethnique. Les Fulanis sont les nomades du Nord, dont les groupes évoluent du Sénégal au Tchad, vaste zone où ils font paître leurs troupeaux. Ils représentent le tiers de la population nigériane. Ils ont été contraints par le réchauffement climatique à descendre plus au Sud pour trouver des pâturages. En quelque sorte, ils sont déjà des réfugiés climatiques. Or, arrivés dans les régions d’agriculture, leur mode de vie nomade est entré en conflit avec celui des fermiers. Les troupeaux, selon l’accusation des fermiers, viennent en effet détruire les cultures. De la même manière, le partage de la ressource en eau provoque également des conflits.
En 2016, l’Etat de Benue dans le centre et celui d’Enugu dans le Sud ont subi des attaques des groupes fulanis. Les raids ont fait des centaines de morts. Des fermiers ont vu leur propriété détruite et des milliers de personnes ont dû fuir, provoquant une vague d’indignation à travers le Nigeria. Les nomades prétendent être les véritables victimes dans ce dossier et, disent-ils, ne font juste que se défendre d’un harcèlement permanent. Traditionnellement armés, pour se défendre et protéger leurs troupeaux, ils semblent avoir la gâchette facile.
Certains au Nigeria considèrent que les groupes armés fulanis sont les «frères des terroristes de Boko Haram». Ils ont en commun d’être musulmans et de partager la même région. Alors, les ressentiments du sud du pays, majoritairement chrétien, ont également une connotation religieuse. Rien de bon pour la cohésion du pays qui compte pas moins de sept grands groupes ethniques.
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