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Maroc: Nasser Zefzafi, leader du «Hirak», dénonce un «procès politique»

Nasser Zefzafi, le leader du mouvement de protestation qui a agité en 2017 la ville d'Al-Hoceïma, dans la région du Rif, au nord du Maroc, comparaissait le 9 avril 2018 devant une cour de Casablanca, près d'un an après son arrestation. Lors de cette première audience, il a fustigé un «procès politique par excellence» lors de sa première audience publique, et rejeté toute intention séparatiste.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2 min
Casablanca octobre 2017: des manifestants réclament la libération des détenus du Hirak, le mouvement de protestation qui a secoué la région marocaine du Rif en 2016, à l'occasion d'une audience judiciaire.  (Jalal Morchidi / ANADOLU AGENCY )

C'est la première audition publique de ce détenu, emprisonné depuis mai 2017 pour, officiellement, avoir interrompu le prêche d'un imam hostile au mouvement social du Hirak (mouvement en arabe), qui secouait alors le nord du pays. Nasser Zefzafi, 39 ans, est le 53e des 54 militants ou sympathisants du mouvement aux revendications sociales, appelés à la barre pour ce procès-fleuve ouvert mi-septembre devant la chambre criminelle de la Cour d'appel de Casablanca.

Les débats ont souvent porté sur les intentions «séparatistes» des militants, une accusation rejetée lundi 9 avril par M.Zefzafi, qui a dénoncé «un procès politique par excellence». Poursuivi notamment pour «atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat», M.Zefzafi risque la peine capitale. 

Lors de l’audience, Nasser Zefzafi a raconté pendant près de 2h l'histoire du Rif, les raisons d'être du Hirak, l'importance de la figure d'Abdelkrim Khattabi (figure historique de la révolte anti-coloniale du Rif), «les diverses exactions commises par l'Etat dans le Rif depuis 1958». Le leader du Hirak dénonce «un procès politique, d'opinion, celui de la mémoire des Rifains, des discours royaux qui ont donné raison aux militants du Hirak qui ont réclamé une reddition des comptes des responsables et ont dénoncé l'échec du modèle de développement». 

«le Hirak n'est pas né du vent. Le Hirak est un cumul»
Le site marocain medias24 raconte la plaidoirie de l'accusé: «Le Hirak n'est pas né du vent. Le Hirak est un cumul», lance-t-il au juge. «Rappelé à l'ordre par le juge qui lui reproche de "divaguer et de discuter de généralités, loin des poursuites dont il fait l'objet", il répond: "Ce n'est pas dans mes habitudes d'être aussi long, mais j'aurais résumé mon propos si le procureur avait résumé les poursuites. Or, il m'a collé deux crimes et six délits". La salle éclate alors de rire et un rictus se dessine alors sur le bout de lèvres de représentant du ministère public», rapporte le média marocain Tel Quel.


En 2017, il s'était imposé comme le visage de la contestation avec ses harangues et ses slogans enflammés contre «l'arbitraire du makhzen» (pouvoir) et la «marginalisation» du Rif, région historiquement frondeuse et géographiquement enclavée du Maroc. Lors des manifestations qui ont agité Al-Hoceïma ou sur les réseaux sociaux, M.Zefzafi dénonçait sans relâche la «dictature», «la corruption» ou encore la «répression» de «l'Etat policier», tout en insistant sur le caractère «pacifique» du Hirak. 
 
N'accordant aucun crédit aux partis politiques (des «pions» selon lui), il en appelait directement au roi pour enclencher une dynamique de développement dans la région. L'Etat a de son côté pointé du doigt les «violences» qui ont fait plus de 900 blessés chez les forces de l'ordre, selon le bilan officiel publié pendant le procès. 

A la suite des événements d’Al-Hoceima, des projets de développement ont officiellement été lancés ou relancés dans la région, et des ministres et hauts responsables démis de leurs fonctions.

Le procès continue.

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