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Libye: après les affrontements de Tripoli, Fayez al-Sarraj remanie

Conséquences et/ou tentative de règlement provisoire des derniers affrontements inter-milices au sud de Tripoli? Le chef du gouvernement libyen d’accord national, Fayez al-Sarraj, a procédé au remaniement surprise de trois ministères clés: l’intérieur, l’économie et les finances. Il a reçu l’aval de la Mission de l’ONU en Libye qui s’est dit prête à les soutenir.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Photo d'archives de Fathi Bashagha, le nouveau ministre libyen de l'Intérieur du gouvernement Al-Sarraj, deuxième à partir de la droite lors de sa rencontre, le 14 janvier 2015, avec Bernardino Leon, l'émissaire spécial de l'ONU pour la Libye de l'époque. (FABRICE COFFRINI/AFP)

Le chef du gouvernement libyen d'accord nationale (GNA) a remanié le 7 octobre 2018 trois ministères clés. Ceux de l'Intérieur, de l'Economie et des Finances, au moment où il tente de juguler la crise économique et sécuritaire dans ce pays plongé dans le chaos depuis 2011.

Un dirigeant influent de Misrata à l'Intérieur
Par un décret reproduit sur la page Facebook du GNA, le Premier ministre Fayez al-Sarraj a désigné Fathi Bashagha au ministère de l'Intérieur en remplacement d’Abdessalam Achour qui occupait ce poste depuis le mois de février.
 
Elu député au Parlement basé à Tobrouk, mais dont il boycotte toutefois les sessions, Fathi Bashagha est originaire de la ville de Misrata, à 200 km à l'est de Tripoli, qui compte de puissantes milices armées.
 
Connu comme dirigeant du conseil militaire de Misrata, il a participé au soulèvement du 17 février 2011 qui a mis à bas le pouvoir de Mouammar Kadhafi. Il est également, selon le quotidien saoudien Asharq al-Awsat, un des négociateurs de l’accord de Skhirat qui a abouti à la constitution du GNA.
 
Il bénéficierait, selon ce même journal, d’une forte influence sur les milices de Misrata lui permettant d’obtenir d’elles une neutralité bienveillante voire un soutien le cas échéant. Or, ces milices étaient au cœur des combats meurtriers qui ont secoué la périphérie Sud de la capitale tout le mois de septembre malgré deux accords de cessez-le-feu.

Mise en œuvre du nouveau plan de sécurité 
L'émissaire de l'ONU en Libye Ghassan Salamé avait alors jugé «nécessaire de libérer le gouvernement de l'emprise des groupes armés» de Tripoli, évoquant une «restructuration».

Ce changement intervient alors que les services de sécurité du gouvernement d’Al-Sarraj s’apprêtaient à mettre en œuvre un nouveau plan sécuritaire prévoyant la formation d’une force conjointe de policiers et de militaires chargée de la protection des institutions officielles et des sites vitaux jusque là aux mains des différentes milices armées.
 
Quelques heures avant la nomination de Bashagha, son prédécesseur avait effectué une visite au siège de la Direction générale de la sécurité pour superviser l’application du plan avec la participation de tous les services de sécurité du ministère.
 
Les deux autres changements concernent les ministères de l'Economie et de l'Industrie et celui des Finances, le GNA ayant promis de pallier les «dysfonctionnements» de l'économie, durement affectée par l'instabilité.
 
Au portefeuille de l’Economie et l’industrie, Al-Sarraj a nommé l'ancien ambassadeur de Libye en Inde Ali Issawi. Ce dernier est un technocrate originaire de Benghazi qui avait occupé ce même poste sous le règne de Kadhafi avant, fait rare, d’en démissionner.
 
Il a également appartenu à la mouvance de «la Libye demain» de Seif al-Islam, le fils du défunt Guide, avant de rejoindre le mouvement du «17 février» et de prendre la direction du ministère des Affaires étrangères du Conseil de transition de Mohamed Jibril.
 
Selon Ashark al-Awsat, Ali Issawi serait toujours recherché par la justice dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat du général Abdel Fattah Younès au début du soulèvement.

Elargir le spectre des soutiens au gouvernement Al-Sarraj 
Le portefeuille des Finances est allé, lui, à Faraj Abderrahmane Boumtari. Peu connu sur la scène publique, ce diplômé en comptabilité de l’université de Benghazi, proche du gouverneur de la Banque centrale de Tripoli, succède à Oussama Hamad.
 
Selon des observateurs de la situation libyenne, ce remaniement correspond à la volonté d’Al-Sarraj d’élargir le spectre de ses soutiens, notamment après les semaines de combats à Tripoli qui avaient mis le pays à nouveau au bord du gouffre.
 
Le soir même du remaniement, la Mission de l'ONU en Libye (Manul) a souhaité aux nouveaux ministres «le succès dans leurs nouvelles fonctions», affirmant être «prête à les soutenir dans la mise en œuvre des nouvelles mesures sécuritaires à Tripoli».

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