Le PDG du groupe français total qui opère au Mozambique évoque le risque d'implantation d'une enclave de Daech
20 milliards de dollars, c'est la coquette somme que devrait coûter la réalisation du méga-projet de gaz liquéfié dont le groupe pétrolier français Total est le principal opérateur au Mozambique. Mais il faudra d'abord sécuriser cette région menacée par les jihadistes.
Le groupe pétrolier français Total s'est vu confier l'un des plus grands projets jamais réalisés en Afrique. Il s'agit du gigantesque projet de gaz liquéfié (GNL) situé dans l'extrême nord du Mozambique, dans la province de Cabo Delgado. C'est précisément dans cette région, frontalière avec la Tanzanie, que des attaques de groupes rebelles liés au groupe Etat islamique se sont multipliées ces trois dernières années.
"Une enclave pilotée par Daech"
Après avoir sous-estimé la menace qu'il qualifiait de simple banditisme, le gouvernement mozambicain a finalement demandé à l'Union européenne, fin septembre, son soutien pour stopper le péril jihadiste qui menace la stabilité de toute la région. La situation est jugée sérieuse par le patron du groupe pétrolier français Total qui pourrait voir son projet remis en cause.
Je pense que les puissances occidentales se rendent compte qu'une enclave pilotée par Daech est en train de s'installer au Mozambique. C'est un problème de stabilité de l'Afrique de l'Est
Patrick Pouyanné, PDG du groupe français Totalau cours d'une conférence de presse
Dans le nord du Mozambique, riche en gaz naturel, les islamistes contrôleraient depuis la mi-août un port stratégique dans la province de Cabo Delgado, limitrophe avec la Tanzanie. C'est ce port qui ravitaille l'immense projet mozambicain de gaz naturel liquéfié, dont Total est l'opérateur. Pour l'instant, le PDG du groupe pétrolier français Patrick Pouyanné assure que les récentes attaques jihadistes n'ont pas eu de conséquences sur l'avancement des travaux du projet, dont le financement est estimé à 20 milliards d'euros. Les travaux de terrassement ont été réalisés, de même que la piste d'atterrissage et les jetées, explique-t-il. "Maintenant, il est clair que ce serait bien que la situation soit sous contrôle", alerte-t-il.
"La voie militaire est sans issue"
Dans la province de Cabo Delgado à majorité musulmane, devenue un eldorado pour les compagnies minières et gazières, les jihadistes ont multiplié des attaques meurtrières depuis 2017. Le gouvernement de Maputo n'arrive pas à reprendre le contrôle de cette région stratégique. Il a fallu trois ans pour reconnaître enfin l'existence d'une insurrection et solliciter un soutien de l'Union européenne pour y faire face.
Selon le chercheur Salvador Forquilha, basé à Maputo, la capitale du Mozambique, les islamistes qui attaquent le nord du pays et qui se font appeler "al-shebab" veulent instaurer un Etat où la charia est la loi fondamentale. Pour lui, la voie militaire qui a été jusque-là privilégiée est sans issue.
Cela fait trois ans que le conflit est là. Il va falloir effectivement qu'on ait d'autres éléments sur la table
Salvador Forquilha, chercheur basé à Maputoà RFI
Salvador Forquilha explique que les jihadistes ont trouvé dans le nord du Mozambique un terrain propice à leur propagande auprès des jeunes déshérités, dans une région où les populations démunies nourrissent un sentiment d'injustice et de colère contre le pouvoir central. Il estime qu'il est grand temps que le gouvernement consacre des investissements majeurs à cette région, "pour créer des infrastructures, des emplois, et redonner de l'espoir".
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