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Le Mali à la recherche d'un président qui fera reculer l'insécurité
Vivre décemment et surtout dans la paix et la sécurité. Pour les Maliens, c'est plus qu'une aspiration. Elle est largement justifiée par la situation sécuritaire chaotique que connaît le pays. Plus de 8 millions d'électeurs se rendront aux urnes le 29 juillet 2018 pour choisir, parmi 24 candidats, le futur hôte du Palais de Koulouba.
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Une présidentielle, 24 candidats, dont le président sortant Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), et plus de 8 millions d'électeurs pour tenter de répondre à une préoccupation majeure: l'insécurité, devenue le lot quotidien des Maliens depuis que les djihadistes ont envahi le nord du pays en 2012.
La paix et la sécurité constituent l'une des principales attentes des Maliens (85%) derrière «la satisfaction de leurs besoins alimentaires (90%)», selon une enquête sur la participation électorale et les partis politiques dans le cadre de la prochaine présidentielle, largement relayée dans plusieurs médias maliens lors de sa publication en juin 2018.
Faute d'être véritablement appliqué, l'accord de paix conclu en 2015 n'a rien changé. Mais surtout, la violence a gagné le centre du pays et déstabilise même les Etats voisins que sont le Niger et le Burkina Faso. «A quelques jours de la présidentielle (du 29 juillet 2018), résume une note d'International Crisis Group publiée le 19 juillet, «de larges parties du pays sont encore ravavagées par la violence».
Une grande partie du pays livrée à «la prédation des milices ethniques» et «aux insurrections djihadistes»
«Les insurrections djihadistes empoisonnent les zones rurales du centre et du nord-est, poursuit le document. La prédation des milices ethniques, souvent mobilisées par les politiciens locaux et les leaders communautaires pour combattre les djihadistes, et dans certains cas tacitement soutenues par les autorités maliennes et la mission militaire française – opération Barkhane –, alimente l'animosité entre les communautés.» Notamment entre les éleveurs peuls et agriculteurs dogons.
La division des droits de l’Homme de la mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) a «recensé 99 incidents de violence intercommunautaire qui ont fait au moins 289 morts parmi les civils» depuis le début de l'année 2018. «Soixante-seize de ces incidents – environ 77% du total – se sont produits dans la seule région de Mopti (centre du Mali), dont 49 depuis le 1er mai dernier.»
Plus globalement, les droits de l'Homme sont menacés au Mali. Un rapport des Nations Unies, publié en février 2018, souligne que «plus de 78% de ces violations, abus et autres incidents mettant en danger les civils ont impliqué soit des mouvements signataires ou non-signataires de (l'accord de 2015), soit des éléments armés non identifiés».
«Les diverses confrontations entre les groupes armés signataires dans la région de Kidal, l’expansion des activités d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), Ansar Eddine et autres groupes similaires, la recrudescence du banditisme local dans la région du centre du Mali et enfin, les opérations antiterroristes conduites par les forces maliennes constituent les principales causes de ces violations et abus», indiquent les Nations Unies.
Les adversaires de l'actuel président malien Ibrahim Boubacar Keïta, au moment où il brigue un deuxième mandat, ne manquent pas de pointer son «échec» sur le dossier sécuritaire. Lui qui avait été élu en 2013 avec une écrasante majorité pour régler cette question. Le président sortant peut se targuer d'être parvenu à un accord. Cependant, analyse International Crisis Group, «les médiateurs internationaux et les signataires ont dépensé trop d'énergie sur des arrangements temporaires en matière de sécurité, comme les patrouilles conjointes, plutôt que (de se concentrer sur) des réformes structurelles telles que le transfert du pouvoir aux assemblées régionales et le développement économique du Nord.»
Un retour impératif de l'Etat
Pour l'ONG, l'Etat malien doit plus que jamais se déployer sur l'ensemble du territoire. Un défi pour celui ou celle qui gagnera les clés du Palais de Koulouba (présidence malienne). Au Nord, il est urgent de faire appliquer l'accord de 2015, notamment dans son volet décentralisation, à savoir la mise en place d'un calendrier électoral pour constituer les assemblées régionales.
Dans le centre, les autorités maliennes sont appelées à contenir les exactions des forces de sécurité et à les sanctionner. De même, l'Etat malien devrait renoncer à l'approche militaire qu'il a jusqu'ici privilégié pour s'orienter vers la résolution des conflits politiques latents, le renforcement de la police et la fourniture des services de base. «Je crois que le centre du Mali est aujourd’hui la clé de la solution du problème malien. Il faut à tout prix éviter l’effondrement du centre du Mali, il faut à tout prix rétablir la sécurité et la normalité (dans la région)», a insisté le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, le 30 mai 2018. Contrairement au Nord, le centre contribue formement à l'économie malienne.
Des électeurs qui souhaitent voter
Qui sera à même de conduire une telle politique? Selon le sondage sur la participation électorale et les partis politiques commandé par la Fondation CMDID et conduit en avril 2018 dans le pays (à l'exception de la région de Kidal pour des questions de sécurité), les Maliens comptent bien se rendre massivement aux urnes. «Plus de 90% des sondés ont déclaré avoir l’intention de voter lors de la présidentielle de 2018», rapporte le site d'informations Maliactu. «Mais ce taux est très optimiste, quand on sait que depuis 1992, le Mali n’a guère connu plus de 50% de taux de participation à une élection présidentielle.»
La dernière querelle qui a opposé les prétendants à la magistrature suprême est justement liée aux listes électorales. Le candidat Soumaïla Cissé, chef de file de l'opposition et rival le plus sérieux du président sortant, a dénoncé «des divergences entre le fichier ayant servi à l'établissement des cartes d'électeurs et celui mis en ligne, qui comprend (selon l'équipe du candidat) des doublons, des électeurs et des bureaux de votes fictifs», rapporte l'AFP. Réponse du ministre de l'Administration territoriale: «Il n'y a pas deux fichiers, il y a un seul fichier.»
Dans un pays où la satisfaction des besoins de base constitue la préoccupation première des électeurs – l'accès à l'eau (82%), à des soins de santé de plus grande qualité (81%) viennent derrière la satisfaction des besoins alimentaires –, le scrutin présidentiel du 29 juillet qui se déroule dans un Etat en lutte depuis six ans pour renouer avec la stabilité, est décisif. Les résultats provisoires du premier tour devraient être disponibles au plus tard le 3 août, selon l'AFP.
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