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L'Algérie classe comme "organisations terroristes" deux mouvements anti-régime basés à l'étranger

A l'approche des législatives anticipées du 12 juin, le pouvoir cherche par tous les moyens à discréditer le Hirak, mouvement de contestation de retour dans la rue depuis fin février.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Rassemblement du Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK), place de la République à Paris, le 18 avril 2021. (SAMIR MAOUCHE / HANS LUCAS)

Les autorités algériennes ont classé, mardi 18 mai, comme "organisations terroristes" deux mouvements politiques anti-régime basés à l'étranger, l'un séparatiste kabyle et l'autre islamo-conservateur, un nouveau tour de vis sécuritaire à moins d'un mois des élections législatives. Cette décision vise le Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK, indépendantiste), interdit en Algérie, et le mouvement Rachad, qui n'a pas d'existence légale dans le pays. Elle a été prise lors d'une réunion du Haut conseil de sécurité (HCS) qui était présidée par le chef de l'Etat Abdelmadjid Tebboune. Le HCS "s'est penché sur les actes hostiles et subversifs commis par les mouvements dits Rachad et MAK pour déstabiliser le pays et attenter à sa sécurité, et décidé, dans ce cadre, de les classer sur la liste des organisations terroristes et de les traiter comme telles", selon un communiqué de la présidence, qui n'a donné aucun autre détail.

"Réclusion perpétuelle"

Les militants de ces mouvements risquent la réclusion perpétuelle en vertu d'un nouvel article du code pénal qui punit "tout Algérien qui s'active ou qui s'enrôle à l'étranger dans une association, groupe ou organisation terroriste ou subversif" dont les activités "nuisent aux intérêts de l'Algérie". Un tribunal d'Alger a émis fin mars des mandats d'arrêt internationaux à l'encontre de Mohamed Larbi Zitout, cofondateur de Rachad et ancien diplomate algérien résidant au Royaume-Uni, et de trois activistes accusés d'appartenir à la même mouvance. Mohamed Larbi Zitout, 57 ans, a lancé en 2007 le mouvement islamiste Rachad dont il est l'un des principaux dirigeants. Il a été nommé à l'ambassade d'Algérie en Libye en 1991 et s'est exilé à Londres en 1995 après avoir démissionné du service diplomatique. Selon les autorités algériennes, Rachad regroupe d'anciens militants du Front islamique du Salut (FIS, dissous en mars 1992). Ce mouvement aurait infiltré et chercherait à entraîner dans la violence le mouvement pro-démocratie du Hirak, né en février 2019 et qui réclame pacifiquement un changement radical de "système" politique.

"Bête noire du régime"

A l'approche de l'échéance électorale du 12 juin 2021, le pouvoir, dont le pilier est l'armée, cherche par tous les moyens à discréditer le mouvement de contestation, de retour dans la rue depuis fin février. Basé à Paris, le MAK est une autre bête noire du régime. Il a récemment été accusé par Alger d'avoir en projet des attentats terroristes contre les marches du Hirak, ce qu'il a nié. A l'appui de leurs accusations, les autorités ont cité les aveux d'un certain Haddar Nour Eddine, se présentant comme un trafiquant qui aurait acheté des armes à la demande de membres du mouvement séparatiste. Né dans le sillage du "Printemps kabyle" de 2001, le MAK est accusé d'avoir des visées "séparatistes" et de racisme anti-arabe. La Kabylie est une région berbérophone du nord-est de l'Algérie traditionnellement frondeuse vis-à-vis d'un Etat très centralisé. Elle est l'un des fiefs du Hirak.

"Main de l'étranger"

Le régime algérien a toujours vu derrière chaque voix dissidente "la main de l'étranger", expression fourre-tout pour désigner, sans jamais le nommer, un ennemi extérieur. C'est la première fois, cependant, qu'il franchit le pas en qualifiant de "terroristes" des mouvements politiques. Confronté à une crise sociale, économique et politique, il a récemment intensifié sa répression contre les militants hirakistes, les opposants politiques, les journalistes et internautes, multipliant poursuites judiciaires et condamnations.  Autre signal à l'adresse des opposants à l'étranger : le président algérien a promulgué la nouvelle convention d'extradition entre l'Algérie et la France, selon un décret présidentiel récemment paru au Journal officiel.

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