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Gabon: l'artiste No choisit la poésie pour décrire la galère des plus démunis

Double champion de slam au Gabon, Franck Noël Mackosso, alias No, 28 ans, ne s'est inscrit dans aucun parti politique pour montrer la réalité peu reluisante des quartiers populaires de la capitale Libreville. Il a opté pour des mélodies parlées, improvisées un peu partout dans les rues de la ville. Sa mission: «porter la voix des sans voix». Il organise même des ateliers dans les écoles.
Article rédigé par Véronique le Jeune
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le slameur gabonais No de retour dans le quartier pauvre de son enfance à Libreville pour une session de rap et de slam. (Steve JORDAN / AFP)

Ce jour-là, pour une session de rap et de slam, No est retourné là où il a grandi, dans le sud de la capitale gabonaise. Sur la dalle de béton attenante à son ancien logement, à côté d'une vieille carcasse de voiture et à quelques mètres de la voie rapide qui traverse Libreville, il retrouve ses amis du quartier, avant de se lancer.
 
«Le poème du Gabonais»
«Le Gabonais a un problème, et pour saigner l'abcès (...), j'ai décidé d'enlever trois lettres au mot 'problème' pour en faire un 'poème'», lance No, la voix posée et l'articulation travaillée.

Le débit est plutôt lent au premier abord mais, sous ses airs calmes, le jeune homme peut accélérer la cadence.

Alors, les mots fusent, comme des revendications: «Parlons des détournements de fonds, des falsifications des papiers, du prix des appropriations voire des non-justifications de certaines arrestations... Parlons des morts et des martyrs, de l'amour et de la liberté d'expression...».
 


«Le vrai problème, c'est la mentalité» gabonaise
Pour No, le problème du Gabon, «ce n'est pas Ali ou Ping (le président gabonais Ali Bongo et l'opposant Jean Ping, qui conteste toujours l'élection de 2016, Ndlr), le vrai problème, c'est la mentalité des Gabonais», affirme-t-il à l'AFP.

«Le "mec" qui jette les ordures partout dans la rue est le même qui se plaint du problème d'insalubrité»: une harangue en référence aux nombreuses grèves des services de propreté du Gabon qui font s'entasser les sacs poubelles sur les trottoirs du pays.

«Le slam me permet de dire tout haut ce que d'aucuns disent tout bas», dit-il dans un sourire. «Il y a des gens qui ne savent pas ce que, nous, on vit dans les quartiers... lorsque les soucis font plus de bruit que les sous».

«C'est ce que je vis avec mes enfants tous les jours»
A la mi-septembre 2017, No s'est produit à l'Institut français du Gabon, à Libreville, dans le cadre d'un événement consacré au cinéaste David Mboussou.

«Ce que No slame, c'est ce que je vis avec mes enfants tous les jours», a reconnu Maria, venue le voir avec sa progéniture.
 
«Allez porter cette parole aux instances présidentielles et à leurs porte-parole afin qu'il pèsent la portée de cette parole», slame encore No sur sa dalle. Citant à l'envi Aimé Césaire ou Paulo Coelho comme références, l'artiste voit la vie comme un rêve. Pourtant, quand on lui demande s'il vit de son rêve, il baisse les yeux et dit: «Comment voulez-vous que j'en vive aujourd'hui?»

Etudiant en licence à l'Institut des Techniques Avancées (ITA) de Libreville, avec un fils d'un an et demi à charge, il s'interroge sur la place de la culture au Gabon: «Il n'y a pas assez de salles de concert à Libreville. La solution, pour moi, ce n'est pas qu'on m'invite à un événement annuel mais qu'il y ait un endroit où, tous les jours, les artistes puissent s'exprimer».

«Si ça prend, c'est génial, sinon, on remballe»
Alors, avec son «équipe», il improvise des stand-up dans Libreville. «On se pose à un endroit avec No, et il commence à slamer. Si ça prend et que les gens s'arrêtent, c'est génial, sinon on remballe», explique Erwin, un ami.

La bande de jeunes veut sortir des sentiers battus, et No voit les choses en grand: pour la seconde année consécutive, il organise des ateliers de slam dans les écoles. Tel un credo, il considère son initiative comme un appel personnel à la jeunesse, afin qu'elle se prenne en main.
 

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