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Fin de brouille entre le Rwanda et l'Ouganda qui rouvrent leur frontière

Les relations entre les deux pays de la région des Grands lacs sont marquées par le caractère très affirmé de leurs chefs d'Etat respectifs.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Paul Kagame président du Rwanda (G) et Yoweri Museveni son homologue ougandais, lors d'un meeting commun le 25 mars 2018 à Entebbe en Ouganda. (MICHELE SIBILONI / AFP)

C’est un nouvel épisode dans les relations tumultueuses qui lient le Rwanda à l’Ouganda. Mais cette fois, c’est un vent chaud qui souffle. Le principal poste-frontière entre les deux pays, à Gatuna au Rwanda sur la route nationale 3, a été rouvert ce lundi 31 janvier à zéro heure. Il était fermé depuis février 2019. Après plus de deux années de brouille, cette réouverture s’accompagne d’autres signes d’un réchauffement entre Paul Kagame, le président du Rwanda, et son homologue ougandais, Yoweri Museveni.

Ainsi le 22 janvier, le fils du président Museveni, Muhoozi Kainerugaba, a été reçu en grande pompe à Kigali par Paul Kagame. Ce général, commandant de l’armée de terre ougandaise, pourrait bien succéder à son père à la présidence, selon certains observateurs. On sait combien l’exercice de la démocratie est compliqué dans le pays…

(Traduction : "Le président Kagame et le général Muhoozi Kainerugaba ont eu des discussions cordiales, contructives et prospectives sur les préoccupations rwandaises et sur les prochaines étapes nécessaires au rétablissement des relations entre le Rwanda et l'Ouganda.")  

La dernière brouille qui s’achève ici remonte à la fin de l’année 2018. Un rapport des Nations unies révélait que l’Ouganda armait et entraînait la branche militaire d’un groupe d’opposition rwandais, la P5, pour "Plateforme 5". Depuis 2014, la P5 tente de renverser le Front patriotique rwandais (FPR), le mouvement avec lequel Paul Kagame a pris le pouvoir.

La P5 passe d’un côté et de l’autre de la frontière pour mener des attaques de plus en plus meurtrières, si bien qu’en février 2019, Kigali ferme ses frontières et accuse ouvertement l’Ouganda d’héberger les rebelles. Kampala a accusé pour sa part le Rwanda d'espionnage et d'avoir tué deux hommes lors d'une incursion sur son territoire en mai 2019.

Les deux présidents échangent des menaces à répétition et leurs entourages ne font rien pour calmer le jeu. Pour autant, "la perspective d’un conflit ouvert entre l’Ouganda et le Rwanda semble inconcevable à de nombreux observateurs en raison de l’histoire longue et inextricable des dirigeants des deux pays", écrit Paul Nantulya du Centre d’études stratégiques de l’Afrique.

De vieux frères ennemis

Car en effet, Kagame et Museveni se connaissent par cœur. Le second a été le mentor du premier à la fin des années 70. Si Paul Kagame est né Rwandais, c’est en Ouganda où sa famille s’est réfugiée alors qu’il n’a que quatre ans, que l’homme va se construire.

Les deux présidents ont fréquenté le même lycée de Kampala. Kagame est aux côtés de Museweni quand celui-ci prend le pouvoir en Ouganda. Il en sera le chef adjoint du renseignement militaire pendant sept ans. Et quand le Front patriotique rwandais rentre victorieux dans Kigali et met fin au génocide, le gros des troupes est composé d’Ougandais.

Comme le Rwanda et l'Ouganda sont "gourmands", l’intérêt porté sur les richesses du voisin congolais – et la façon d’en profiter  va brouiller les deux hommes. Ainsi, "depuis 1999, Kampala est devenu le refuge privilégié des déserteurs de l’Armée patriotique rwandaise (APR) et le passage obligé des hommes politiques fuyant Kigali, trouvant soutien et réconfort chez l’ancien grand frère, trop heureux d’entretenir la paranoïa sécuritaire du Rwanda", écrit la chercheuse Samia Chabouni dans Thinking Africa.

Mais l’ambition de Paul Kagame est grande. On l’a vu encore récemment avec des interventions militaires au Mozambique ou en Centrafrique "Kagame aspire à un leadership régional tout en se posant en rival de son voisin." Leur façon très verticale de diriger leur pays, leur histoire similaire de "libérateur" devenu despote, Kagame et Museveni sont les deux figures d’une même pièce condamnées à vivre ensemble. Un "je t’aime moi non plus" dans la région des Grands lacs.

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