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En République démocratique du Congo, la torture est une pratique «ordinaire»

En RDC, outre un recours systématique aux arrestations, aux détentions arbitraires et aux mauvais traitements, le régime de Joseph Kabila utilise souvent la torture, rapportent nombre d’ONG des droits humains. Selon l’organisation britannique Freedom from Torture, il s’en sert «pour écraser la contestation» et «réduire au silence» les opposants.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Un manifestant arrêté par deux policiers anti-émeute à Kinshasa en juillet 2006 (GIANLUIGI GUERCIA / AFP)

«La dérive autoritaire, perceptible dès les premiers mois de la présidence de Joseph Kabila (arrivé au pouvoir en janvier 2001, NDLR), n’a depuis lors fait que s’accentuer. Les violations quotidiennes des droits de l’Homme sont ponctuées d’opérations de répression de grande ampleur, se caractérisant par un usage excessif de la force létale, par de nombreuses exécutions sommaires et par un nombre important d’arrestations et de détentions arbitraires suivies d’actes de torture et de condamnations à des peines de prison à la suite de procès iniques», constatait en 2010 un document de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT).

Depuis, la situation n’a pas changé. Ainsi, selon le rapport 2017-2018 d’Amnesty International, «la police, les services du renseignement et les tribunaux ont (…) encore réprimé les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Des défenseurs des droits humains et des journalistes ont été harcelés, intimidés, arrêtés arbitrairement, expulsés ou tués».

Utilisée à des fins politiques, la torture, pratiquée en RDC de manière «ordinaire» et «systématique» (dixit le document de l’ACAT), semble de plus en plus courante à l’approche des élections présidentielle, législatives et provinciales du 23 décembre 2018. «Depuis 2015, quand ont commencé les manifestations contre les tentatives du président Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà de la limite de deux mandats imposée par la Constitution», nombre des quelque «2000 dirigeants et partisans de l’opposition politique et activistes pro-démocratie», arrêtés arbitrairement, «ont été maltraités en détention», rapporte ainsi Human Rights Watch.

Au cours des deux années qui ont suivi le scrutin de 2006, un millier de personnes avaient déjà été appréhendées. Un grand nombre d’entre elles ont été torturées, selon l’ONG. Et ce en dépit de l’article 61 de la Constitution congolaise, qui interdit explicitement «la torture» et les «peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants»

Le président de la RDC, Joseph Kabila, à Kinshasa le 30 septembre 2019 (JOHN WESSELS / AFP)

Tortures physiques, psychologiques, viols
Le rapport de Freedom from Torture, publié en novembre 2018, a pu consulter les rapports médico-légaux de 74 personnes emprisonnées entre 2005 et 2017: il s’agit de 49 hommes et 25 femmes, dont plus d’un tiers étaient âgés de 25 ans et moins, habitant à Kinshasa, capitale du pays. «Tous ont été détenus et torturés à cause d’activités politiques ou de défense des droits humains», explique le document.

«Chacun des 74 survivants a été soumis à des actes de torture physique et/ou sexuelle de la part des autorités de l’Etat congolais», selon Freedom for Torture. Parmi les «méthodes» utilisées : strangulations, asphyxies, électrochocs…

L’ONG précise que «la torture psychologique était largement utilisée», notamment le fait d’«être forcé à assister à la torture ou la mort d’autres détenus».

En ce qui concerne les sévices sexuels, la même organisation rapportait en 2014 que la pratique des viols était alors «monnaie courante dans les prisons et les centres de détention» congolais. Elle cible aussi des femmes «en raison de leur engagement politique, en tant que membres ou sympathisantes des groupes d’opposition ou des associations de lutte pour les droits de la femme, ou en raison de l’engagement d’un membre de leur famille». Dans le même temps, cette pratique semble être devenue «une arme de guerre» dans un pays ravagé par la violence depuis des décennies. Une arme qui vise même des petites filles de 18 mois, rapporte le Guardian.

«Si la volonté politique existait réellement»…
Les tortionnaires agissent apparemment en toute impunité. «Aucune enquête n’a été ouverte sur les allégations faisant état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements infligés par des membres des forces de sécurité et des surveillants pénitentiaires», rapporte ainsi Amnesty International

La RDC n’en participe pas moins aux principaux traités internationaux sur les droits de l’Homme. Elle n’a cependant pas ratifié le Protocole facultatif (mis en place par l’ONU) à la Convention contre la torture… Et ne semble guère pressée de présenter des rapports devant le comité chargé de surveiller l’application de cette Convention. En 2005, les experts de ce comité rapportaient qu’«un projet de loi pénalisant la torture (avait) été rédigé et pourrait être examiné par le Parlement» congolais… «si la volonté politique existait réellement». Tant que cela ne sera pas le cas, «les tortionnaires auront encore de beaux jours devant eux».

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