Pourquoi est-ce si difficile pour les filles d’aller à l’école au Niger?
Ce pays, l'un des plus pauvres au monde, a fait ces dernières années beaucoup de progrès en matière de scolarisation, mais trop d’enfants sont encore privés d’école, notamment les filles. Une sur deux n'est pas scolarisée.
Théoriquement, au Niger, l’école est obligatoire pour les filles jusqu’à l’âge de 16 ans. Cette mesure, adoptée en 2017 par décret présidentiel, vise à les protéger des mariages précoces et à encourager leur éducation. Malgré la bonne volonté affichée, elles ne peuvent pas suivre une scolarité normale. Plusieurs facteurs sont en cause, comme l’a expliqué à franceinfo Afrique Barira Magagi, spécialiste éducation et représentante de l’organisation Plan International au Niger.
Manque de moyens
Le premier problème est général. Le Niger manque de moyens en matière d’éducation. Il n y a pas d’infrastructures, pas assez d’écoles, les classes sont surchargées et l’année scolaire est souvent très courte. Dans les zones rurales, les enfants commencent les cours en janvier, bien après la saison des pluies et la fin des récoltes. Dans ce contexte difficile, les garçons sont prioritaires pour les études et le mariage est considéré comme une alternative pour les filles.
Dans certaines écoles, il peut y avoir 70 enfants dans une classe et 120 au collège ou au lycée. Comment voulez-vous que ça marche ?
Barira Magagi, spécialiste éducation de Plan Internationalà franceinfo Afrique
Qualité de l’enseignement
L’autre obstacle majeur est la qualité de l’enseignement. Les instituteurs ne sont pas formés et choisissent ce métier faute de mieux. Les résultats sont ainsi catastrophiques. En fin de cycle primaire, plus de huit enfants sur dix n’ont pas le seuil de compétences suffisantes pour passer au niveau secondaire, selon une étude de Coalition éducation qui regroupe plusieurs ONG.
Beaucoup d’élèves décrochent, notamment les filles, appelées à aider à la maison où elles sont jugées plus efficaces. Par ailleurs, certains parents préfèrent miser sur l'éducation des garçons en pensant qu'ils deviendront plus tard des chefs de famille.
Un enseignant sur deux n’est pas capable de répondre à un test correspondant au niveau censé être acquis par son élève
Coalition éducation, un groupe d'ONGEtude publiée en avril 2019
Violences et insécurité
Les violences du genre en milieu scolaire sont parfois un frein à la scolarisation des filles. Les agressions sexuelles, qui restent souvent impunies, ont une conséquence grave sur leur éducation.
Dans ce même registre d’insécurité, il y a par ailleurs les attaques commises par des groupes terroristes comme Boko Haram ou Aqmi dans le sud-est et le nord-est du Niger. Ces attaques visent notamment les écoles et les enseignants. Les établissements scolaires ferment pendant plusieurs semaines et des professeurs abandonnent leurs postes devenus trop dangereux. Ainsi, des dizaines de milliers d’enfants se retrouvent privés d’enseignement.
Lorsque des filles du village racontent comment elles ont réussi grâce à l’école, elles deviennent un modèle pour les autres. Leurs témoignages marquent les esprits
Barira Magagi, spécialiste éducation de Plan Internationalà franceinfo Afrique
Mentalité
Si le taux de scolarisation a bien progressé ces dernières années, l’éducation des filles s’arrête encore très souvent au cycle primaire. Deux filles sur dix seulement accèdent au collège. Mais grâce à l’aide de l’Unicef et de l’ONG, des campagnes de sensibilisation adaptées aident les communautés à mieux comprendre l’intérêt d’éduquer les jeunes Nigériennes. Les garçons sont également mis à contribution en faveur de l’inclusion des filles. Internet permet aujourd'hui aux plus jeunes de se connecter au monde et de voir comment cela se passe ailleurs. Plan International réfléchit d'ailleurs à la possibilité de proposer des programmes éducatifs sur les téléphones.
Quand certains refusent que leur fille soit soignée par des hommes, on leur dit : 'Si vous voulez des femmes dans les centres de santé, il faut laisser les filles faire des études'
Barira Magagi, spécialiste éducation de Plan internationalà franceinfo Afrique
Des progrès mais…
Au Niger, les autorités se sont engagées à lutter contre les discriminations et à offrir une éducation de qualité pour tous grâce à l’aide de ses partenaires internationaux. Un plan a été mis en place mais le chantier est énorme. Le pays est confronté à une croissance démographique explosive qui risque de retarder son développement. Avec 7,6 enfants par femme, le pays enregistre le taux de fécondité le plus élevé au monde.
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