Mauritanie: le retour de la tente nomade traditionnelle
Ces tentes, dont la taille varie de 4 x 4 à 5 x 5 mètres, sont faites de deux ou trois couches de toile montées sur deux mâts. Les toiles sont rattachées par des cordes à des piquets plantés dans le sol, de manière à éviter les infiltrations d'eau et résister aux tempêtes.
Elles n'étaient utilisées qu'épisodiquement ces dernières années à Nouakchott, à l'occasion de rassemblements privés comme les mariages, les baptêmes, les obsèques, ou pour des animations touristiques. Mais depuis le lancement de la campagne électorale, le 8 novembre, elles ont poussé comme des champignons. Elles sont partout : devant des maisons modestes comme aux abords des villas cossues de Tevregh Zeina, quartier chic de la capitale.
Les états-majors des candidats aux élections les ont adoptées parce qu'elles sont faciles à transporter et installer. Il suffit ensuite de les agrémenter d'éclairages, de mobilier confortable, d’affiches et portraits de campagne ainsi que de matériel de sonorisation.
Ahmed Ould Tegui, enseignant à la retraite qui a parcouru toute la Mauritanie durant sa carrière, se félicite de voir la khaima «retrouver aujourd'hui ses titres de noblesse grâce à la démocratie et à ses conséquences positives sur les gens». Le retour de la tente traditionnelle réjouit également Moussa Ould Cheikh, vieil homme à la barbe teinte au henné. Les jeunes y ont trouvé des lieux de rencontre pour passer des «nuits blanches» comme au «bon vieux temps» des campements de nomades, où les retrouvailles de nuit constituaient les seuls moments de loisir, se souvient-il, nostalgique. «C'était bien amusant, une khaima, sans porte ni fenêtres, où des jeunes se rassemblent à l'occasion de mariages, pour se dire en face-à-face leurs amours souvent interdites, fréquemment avec des vers et au son du tam-tam», dit-il.
Mais le déclin des tentes et de leur rôle social était inévitable avec l'urbanisation marquée par une sédentarisation, analyse le sociologue Nagi Ould Rahel. Une sédentarisation qui a changé le type d'habitat permanent de la famille en Mauritanie, pays d'environ 3,5 millions d'habitants.
A la grande joie des commerçants
«Les baraques ont très vite supplanté les tentes dans les bidonvilles, puis vinrent les hangars et enfin les grandes bâtisses auxquelles les tentes restent cependant souvent accolées simplement pour leur rôle culturel et comme témoin d'une certaine civilisation perdue», poursuit le sociologue.
Il n'y a pas que les nostalgiques du passé qui apprécient le retour des «khaimas». Il y a aussi les commerçants qui les vendent. Depuis le lancement de la campagne, «le prix de la tente a doublé. Elle se vend, suivant sa taille, entre plus de 20% et de 50% de son prix normal», soit «entre 175 et 375 euros», reconnaît Halima Mint M'Barek, qui a épuisé tout le stock qu'elle avait dans son échoppe.
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