Inondations en Libye : "Les flots ont emporté avec eux des quartiers entiers" à Derna, témoigne l'ambassadeur de France
"Les flots ont emporté avec eux des quartiers entiers" à Derna, a témoigné El Mostafa Mihraje, ambassadeur de France en Libye, vendredi 15 septembre sur franceinfo, alors que la tempête Daniel a provoqué des inondations gigantesques dans le pays. La ville de Derna, 100 000 habitants, a été particulièrement touchée après la rupture de deux barrages. Les autorités s'attendent à un bilan très lourd. "C'est à craindre. La coulée de boue a été terrible", affirme l'ambassadeur. La France a envoyé sur place un hôpital militaire de campagne pour soigner les blessés. Il est "en capacité d'accueillir 100 patients par jour avec un bloc chirurgical", a-t-il expliqué. "Il y a beaucoup d'équipes de secours, à la fois Libyennes et internationales qui s'attellent à la tâche", a-t-il précisé.
Que s'est-il passé exactement à Derna ?
El Mostafa Mihraje : Si Derna est la ville la plus touchée, l'ouragan a touché l'ensemble de la région, l'ensemble de la Montagne verte a été frappée par cet ouragan. Ce qui s'est passé exactement à Derna est dû à la rupture de deux barrages qui étaient en amont de la ville. Les flots ont emporté avec eux des quartiers entiers et des immeubles, y compris des immeubles récents. C'est pour cette raison qu'aujourd'hui, lorsqu'on parle de bilan entre 20 et 30, voire 40 morts dans les autres villes, pour la ville de Derna, à l'heure où je vous parle, on parle de plus de 2 800 morts et de 6 000 disparus et plus de 20 000 personnes déplacées.
Le bilan risque de s'alourdir considérablement ?
C'est à craindre, effectivement. La coulée de boue a été terrible. Il y a beaucoup d'équipes de secours, à la fois libyennes et internationales, qui s'attellent à la tâche. Nous sommes venus ici avec un hôpital militaire pour prendre en charge la partie "blessés". Dans ce cadre-là, bien entendu, nous jouons la complémentarité avec les autres pays.
"En Libye, nous parlons à tout le monde"
L'intervention de la France n'est pas compliquée au regard de l'instabilité politique du pays ?
Je ne dirais pas ça. En Libye, nous parlons à tout le monde. Je suis sur la base aérienne Al Abrak, qui est à 30 kilomètres de Derna dans la partie ouest, alors que l'ambassade est située à Tripoli. Nous parlons à l'ensemble des interlocuteurs. Les décideurs politiques à l'est, à l'ouest et au sud. On parle aussi à l'ensemble des strates de la société que ce soit la société civile, les femmes, les jeunes, les chefs de tribu, les chefs religieux. C'est ce qui nous permet de jouer ce rôle de médiateur. Un médiateur se doit d'être accepté par tout le monde, écouté et respecté par tout le monde. C'est le cas de la France ici en Libye.
La France apporte une aide d'urgence, mais c'est aussi une aide à moyen et long terme qu'il va falloir maintenir en Libye ?
Il y a une situation d'urgence et dans un deuxième temps, effectivement, on verra la reconstruction. La Libye, théoriquement, n'a pas de problème de moyens. Le mécanisme de secours européen a été déclenché rapidement dès avant-hier. La coordination humanitaire des Nations unies a été également mobilisée et l'Union européenne en tant que telle. L'ensemble du dispositif s'est mis en ordre de marche pour venir en aide à ce pays dans le cadre de la catastrophe terrible qui le touche.
"L'hôpital de Derna qui malheureusement est complètement débordé"
El Mostafa Mihrajefranceinfo
Quels moyens supplémentaires la France va apporter ?
Le président de la République a décidé de déployer un hôpital militaire qui est en capacité d'accueillir 100 patients par jour avec un bloc chirurgical. Cet hôpital est adossé à l'hôpital de Derna qui malheureusement est complètement débordé. Le président a également décidé d'apporter une aide financière aux organisations internationales et européennes ainsi qu'aux ONG qui travaillent au plus près de la population de Derna dans les zones sinistrées. Enfin, nous avons déployé une force importante de personnel de la sécurité civile française pour justement administrer et gérer cet hôpital et faire le lien avec l'hôpital de Derna et les autres structures internationales qui agissent dans le pays.
Est-ce que la situation politique de la Libye a indirectement provoqué cette catastrophe alors que l’on constate que le réseau d'observation météo libyen n'existe plus suite à la guerre civile ?
Je n'irai pas jusque-là. En Libye, l'information circule, exclusivement malheureusement, c'est un état de fait, sur les réseaux sociaux. Bien avant l'arrivée de cet ouragan, ils avaient appelé justement à des mesures de prudence. Même à l'Est, ils avaient décidé d'instaurer un couvre-feu pour éviter justement que les personnes se trouvent à l'extérieur compte tenu de la violence des vents qui étaient attendus. Le pays est en reconstruction. On est là pour l'aider. C'est vrai que la priorité pour avoir, cette opérabilité auprès des différents services, c'est d'abord une stabilité politique à laquelle nous croyons et à laquelle nous œuvrons sur le plan international.
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