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Libye : ce que peut changer la charia

Le président du Conseil national de transition (CNT), Moustapha Abdeljalil, l'a maintenu dimanche 23 octobre : la législation du pays sera fondée sur la charia, la loi islamique. Quelles seront les conséquences pour le quotidien des Libyens ?

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Des femmes accompagnées d'une fillette lisent le Coran dans une mosquée à Tripoli, la capitale de la Libye, le 12 octobre 2011. (KARIM SAHIB/AFP)

La législation de la Libye sera fondée sur la charia, la loi islamique : le président du Conseil national de transition (CNT), Moustapha Abdeljalil, l'a répété dimanche 23 octobre à Benghazi, lors de la proclamation de la libération du pays. Que peut changer l'instauration de la charia, fondée sur l'interprétation du Coran mais qui n'a aucune existence écrite ? Les avis des spécialistes divergent selon les sujets.

● Sur le droit de la famille 

"Dans les faits, à l'exception de l'Arabie saoudite et du Soudan, où le Code pénal est marqué par l'héritage islamique, dans tous les autres pays arabes, l'influence de la charia ne se fait sentir que sur le droit de la famille", affirme Baudouin Dupret, politologue et islamologue belge sur Le Monde.fr. 

Les déclarations de Moustapha Abdeljalil vont dans ce sens. "La loi sur le divorce et le mariage (...), cette loi est contraire à la charia et elle n'est plus en vigueur", a-t-il affirmé dimanche. Concrètement, cela signifie que divorcer sera interdit.

Cela annonce-t-il le retour de la polygamie en Libye ? Pas si sûr, selon Mathieu Guidère, islamologue interrogé par Le Figaro.fr. "En pratique, les règles dans les autres pays pour avoir plus d'une femme sont tellement contraignantes que quasiment personne ne le fait. (...) C'est donc avant tout une annonce symbolique", analyse-t-il.

● Sur les banques 

Le président du CNT a également annoncé la création prochaine de "banques islamiques" qui, conformément à la charia, interdisent de toucher des intérêts. "L'usure est bannie. (...) Il y a des banques qui opèrent selon le système islamique, à savoir le partage des gains et des pertes. Cette question est essentielle", a-t-il affirmé lundi. "C'est plutôt une déclaration d'intention, on verra comment ça va se traduire", relativise Saïd Haddad, maître de conférences aux Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan, sur Europe 1.fr.

● Sur la vie culturelle 

La société libyenne, contrôlée pendant plus de quarante ans par Mouammar Kadhafi, n'a pas véritablement connu de vie intellectuelle. Avec la charia, cela pourrait rester en l'état. "Il n'est pas certain de voir émerger de grands intellectuels capables de faire avancer le pays dans une voie progressiste", estime Saïd Haddad sur Rue89. Toutefois, le chercheur n'est pas catégorique : "La révolution en Libye n'est absolument pas aboutie ; ce qui est abouti, c'est la défaite militaire de Kadhafi, tout est donc imaginable."

Les vrais changements seront finalement visibles dans la pratique : il faudra être attentif aux évolutions dans les prochains mois, notamment sur la vente d'alcool, l'égalité des sexes ou encore la législation sur le vol. Dans certains pays qui appliquent la charia, le voleur peut avoir la main droite amputée au niveau du poignet si le vol est commis par effraction et que la valeur du larcin dépasse un quart de dinar d'or islamique (soit une quarantaine d'euros).

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