Avec le coronavirus, les fleurs africaines, équitables ou issues de l'agriculture intensive, n'arrivent plus en Europe
Le Kenya et l'Ethiopie, les deux principaux exportateurs africains de fleurs coupées, ont vu leurs ventes s'effondrer de 80%.
La branche suisse de l'ONG Max Havelaar, qui certifie de nombreux produits de commerce équitable, a mis en lumière les "effets dévastateurs" de la pandémie sur les fermes floricoles d'Afrique lors de la publication, le 13 mai 2020, de son rapport annuel.
Dans un pays comme la Suisse, les ventes de fleurs dites "équitables" se sont effondrées en magasin, avec des baisses de recettes allant jusqu'à 90%, relève le document. Ce qui touche par ricochet les petits cultivateurs et employés des fermes horticoles. "Les plantations de fleurs Fairtrade (commerce équitable en anglais, NDLR ) en Afrique et leurs quelque 59 000 employés illustrent parfaitement les effets dévastateurs du nouveau coronavirus dans les pays du Sud", observe l'ONG dans un communiqué.
"De nombreuses exploitations n'emploient plus que la moitié de leur personnel ou ont dû licencier", précise-t-elle, soulignant que beaucoup d'entre elles risquent de faire faillite. "Les travailleurs sont les plus durement touchés", a mis en garde l'ONG.
L'Afrique de l'Est, grande région productrice
Le marché mondial de la fleur, toutes tendances confondues, qui pèse 8,5 milliards de dollars, s'est "effondré" à cause de la pandémie, observe l'agence Bloomberg.
Concernant spécifiquement la filière équitable, "825 197 000 unités (fleurs et plantes) ont été vendues en 2018 dans les pays du Nord (Europe, Amérique du Nord, Corée et Japon)", a précisé un porte-parole de Max Havelaar à franceinfo Afrique. L'Afrique de l'Est, où ces végétaux trouvent de bonnes conditions climatiques notamment liées à l'altitude, est la principale région productrice de cette filière. Le Kenya est de loin le premier exportateur mondial de fleurs "équitables" (51%), devant l'Ethiopie (39,56%), la Tanzanie (6,8%) et, de manière plus marginale, l'Equateur (1,01%), selon les chiffres fournis par Max Havelaar.
Classique ou équitable, l'activité est-africaine, qui fournit les marchés européens les plus importants (Pays-Bas, Italie, Allemagne, Grande-Bretagne), "génère plus d'un milliard de dollars par an et emploie des centaines de milliers de personnes" au Kenya et en Ethiopie, précise Reuters.
Au Kenya, la floriculture dans son ensemble, donc équitable et non équitable, est l'un des principaux pourvoyeurs de devises avec le tourisme et les envois de fonds des travailleurs migrants. En Ethiopie, l'activité a rapporté 280 millions de dollars en 2019, selon l'Association des horticulteurs locaux citée par Reuters. Mais les fermetures des frontières en Europe, liées au coronavirus et conjuguées à l'annulation des vols internationaux, ont entraîné une baisse de 80% des exportations de fleurs kényanes et éthiopiennes. Ce qui a obligé les producteurs à jeter des tonnes de végétaux de grande qualité. 10 000 salariés ont déjà perdu leur travail au Kenya et des dizaines d'autres pourraient se retrouver dans la même situation dans les deux pays.
Critiques chez les écolos
Aux dires d'une étude réalisée pour Max Havelaar, les roses cultivées pour le commerce équitable au Kenya auraient un impact sur l'environnement moins important que les mêmes fleurs "produites de manière écologique" aux Pays-Bas, malgré le transport en avion vers les marchés européens.
Mais le pays n'est pas forcément toujours vertueux en matière florale... Il "s'est spécialisé dans la culture intensive de la rose, définie comme une 'industrie' horticole. L'utilisation importante de pesticides, un bilan carbone élevé, l'assèchement des ressources en eau ont (...) depuis quelque temps fait naître des critiques auprès de clients européens soucieux d'écologie", expliquait franceinfo Afrique le 24 mars. "Avant la pandémie, 42 des vols cargo arrivant chaque semaine à Aalsmeer (ville des Pays-Bas qui est le plus important marché de fleurs aux enchères du monde, NDLR) provenaient du Kenya", précise l'agence Bloomberg. Un bilan carbone plus que médiocre, filière équitable ou non...
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