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Rapport de l'ONU sur le conflit en Ethiopie : "Personne ne prendra en compte ce rapport", regrette un spécialiste

L'Organisation des nations unies (ONU) a publié mercredi un rapport dénonçant de possibles crimes contre l'humanité et des crimes de guerre dans le conflit éthiopie. Celui-ci a peu de chances de faire bouger les choses, a estimé sur franceinfo le président de l'association Stratégies africaines, Patrick Ferras.

Article rédigé par franceinfo
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Un char détruit est abandonné le 22 novembre 2020 près de Humera (Ethiopie). (EDUARDO SOTERAS / AFP)

"Que ce soit les Tigréens ou le gouvernement fédéral, personne ne prendra en compte ce rapport", a estimé sur franceinfo mercredi 3 novembre le président de l'association Stratégies africaines Patrick Ferras, après la publication d'un rapport de l'Organisation des nations unies (ONU) concernant de possibles crimes contre l'humanité et crimes de guerre dans le conflit éthiopien

Depuis un an, le conflit en Ethiopie oppose le gouvernement fédéral au gouvernement régional du Tigré, après une rébellion du Front de libération du peupe du Tigré (FLPT) contre la fin du système politique ethnocentré, décidée en 2019 par le Premier ministre Abiy Ahmed. "Ce rapport sert d'état des lieux", a jugé le géopolitologue, à peine rentré de la capitale éthiopienne. 

franceinfo : Une arrivée des Tigréens sur la capitale éthiopienne est-elle possible ?

Patrick Ferras : Tout à fait. Si les deux villes, Dessie et Kombolcha, sont confirmées comme ayant été prises par les Tigréens, l'armée sera en débâcle complète, comme elle l'est depuis pratiquement trois ou quatre mois. En ce cas, sauf retournement de situation militaire sur le terrain, il ne restera que quelques poches de résistance avant que les Tigréens n'aillent jusqu’à Addis Abeba, la capitale. Il faut cependant bien remarquer et constater que les Tigréens appliquent une stratégie claire, nette et précise depuis le mois de juin 2021.

De quel "côté" est la population dans ce conflit ?

On ne peut pas dire que la population soit à 100% derrière Abiy Ahmed, le Premier ministre. En plus de la région du Tigray, il y a aussi des mouvements d'insécurité anti-gouvernementaux dans les régions Somali, Afar et Oromo. Pour l'instant, ils sont un petit peu pro Abiy Ahmed mais dès que les Tigréens avanceront vers Addis Abeba, ils changeront vite leur fusil d'épaule. Il ne faudra par ailleurs pas compter sur ce que l'état d'urgence demande, à savoir que ces gens-là se battent, notamment à Addis Abeba. Je ne pense pas que la population ira se battre contre les Tigréens avec des fusils et des machettes, si l'on peut dire, sachant qu'ils auront fait 800 kilomètres, qu'ils ont l'expérience du combat et que ça ne tiendra pas longtemps.

Le rapport de la haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme peut-il avoir des conséquences directes sur le conflit sur place ou ne sert-il que d'état des lieux ?

Il sert d’état des lieux et pourra servir plus tard, pour des enquêtes un peu plus poussées et la prise de responsabilités de certains hauts responsables éthiopiens, qu’ils soient Tigréens ou du gouvernement fédéral. Pour l'instant, le combat est sur le terrain. Que ce soit les Tigréens ou le gouvernement fédéral, personne ne prendra en compte ce rapport. On voit mal aujourd'hui Abiy Ahmed faire amende honorable là-dessus, ni le chef du FLPT. Depuis les rapports d'Amnesty international et grâce au travail des journalistes, on savait déjà depuis très longtemps qu'il y avait eu des crimes de guerre, de sang, avec beaucoup d'exactions, de viols commis par les armées érythréennes et les armées éthiopiennes. Ça ne surprendra donc personne dans ce pays mais ce rapport est suffisamment conséquent pour que l'on sache vraiment où il se passe quelque chose d’abominable en Ethiopie aujourd’hui.

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