La Chine pourrait perdre son rôle d'atelier du monde
Preuve de cette tendance, près des deux cinquièmes des grandes entreprises américaines pensent quitter la Chine pour les Etats-Unis, d'après une enquête du Boston Consulting Group cité par Jacques Hubert-Rodier dans Les Echos.
Hausse des salaires de 184% en huit ans
Les entreprises avaient beaucoup délocalisé en Chine, devenu l’atelier du monde, en raison de salaires très bas nourris par un exode rural massif. Aujourd’hui, la Chine voit sa compétitivité reculer en raison des hausses de salaires. Selon Usine Nouvelle, la croissance des salaires s'est établie a 13,1% en 2007, 11,7% en 2008 et 12,8% en 2009.
Un bon exemple le montre, celui de la célèbre entreprise Foxconn (connue pour être le sous-traitant d’Apple) qui a augmenté ses salaires à la suite de conflits sociaux. En 2011, Foxconn aurait augmenté ses salariés de 70%.
Autre exemple, celui d’un industriel qui a décidé de construire sa nouvelle usine en France. Une usine de moules à gâteaux en silicone. Outre les problèmes d’infrastructure, le PDG de l’entreprise explique que la hausse des salaires liée à une faible productivité rend moins intéressante l’implantation en Chine : «Un ouvrier chinois a besoin d’avoir derrière lui un contremaître, un contrôleur de qualité, un team leader, un superviseur et un manager… Pour faire tourner une machine, on a besoin de quatre personnes, alors qu’en France une seule suffit. Même si les salaires français sont encore dix fois supérieurs aux salaires chinois, l’écart s’amenuise beaucoup en prenant en compte tout cela.»
Les salaires dans l'industrie chinoise augmenteront de 17% par an durant les trois prochaines années, indique le Boston group. D’autres sources affirment que les salaires augmentent de 20% par an tandis que dans le Figaro on peut lire que «les salaires chinois ont progressé de 181% depuis 2004».
La population en âge de travailler recule
De nombreuses raisons expliquent la hausse des salaires en Chine (revendications, hausse de la productivité, émergence d’une classe moyenne…). «Pendant vingt ans, la croissance à deux chiffres a été possible grâce à de très bas salaires sur les chaînes de montage. Ces emplois ont attiré des millions de paysans, fuyant la misère des campagnes», rappelle le correspondant d’Usine nouvelle en Chine, Jordan Pouille.
Mais cet exode rural se tarit et les entreprises chinoises délocalisent dans les régions éloignées de la mer pour trouver de la main d’œuvre peu formée.
La démographie pourrait dans les années à venir contribuer à accélérer le phénomène. La population en âge de travailler a décliné en chiffres absolus en 2012 en Chine, pour la première fois depuis des décennies, alors que le pays connaît un vieillissement rapide, selon les statistiques officielles. La population en âge de travailler ─ c'est-à-dire les Chinois âgés de 15 à 64 ans ─ a en 2012 perdu 3,45 millions de personnes pour atteindre 937 millions d'individus. La politique de l’enfant unique a des conséquences qui commence à poser des problèmes au pays.
Concurrence internationale
Résultat, un double mouvement se fait jour. Des entreprises jugeant les coûts trop élevés délocalisent de Chine vers des pays considérés comme meilleur marché : Vietnam, Thaïlande ou Afrique… De nouveaux pays s’ouvrent aux investissements internationaux et disposent de coûts salariaux très compétitifs comme la Birmanie.
Ainsi, la fabrication des briquets jetables, avant produits en Chine, a quitté l’empire du milieu pour le Vietnam, aidée il est vrai par la politique fiscale européenne.
D’autres décident de rapatrier leurs productions dans le pays d’origine ou dans des pays plus proches où des salaires plus élevés sont compensés par des coûts globaux moindres (transports, productivité…). De plus, plusieurs Etats, comme les Etats-Unis ou la France, ont entamé des politiques volontaires pour tenter de réindustrialiser leur pays.
Apple aux Etats-Unis a ainsi décidé de rapatrier une partie de sa production aux USA.
En 2012, Le Parisien racontait comment une usine chinoise de chaussures avait choisi de s’installer en… Ethiopie, où les «entrepreneurs chinois entendent bénéficier du faible coût de la main d'oeuvre africaine et de la matière première, le cuir, pour fabriquer des chaussures qui seront vendues en Europe et aux Etats-Unis».
Autre signe qui montre l’évolution de l’économie chinoise, les investissements directs étrangers en Chine ont reculé en 2012. Selon les chiffres du ministère chinois du Commerce extérieur, ces investissements on en effet baissé de 3,7%. Pour le seul mois de décembre, la baisse a atteint 4,5% en rythme annuel.
Certains pays y investissent toujours plus comme les USA (4,5%) et le Japon (16,3%), mais les Européens ont vu leurs investissements en Chine reculer de 3,8%, sans que l’on sache si cela est conjoncturel ─ la crise ─ ou structurel et donc durable.
La Chine s’est éveillée. Son économie n’est plus seulement une économie de sous-traitance. Les entreprises qui choisissent aujourd’hui d’investir en Chine le font plus pour conquérir le marché asiatique que pour profiter de coûts avantageux. Ainsi, pour Airbus, «la décision de produire directement en Chine ne s'explique pas par des coûts moins élevés, contrairement aux délocalisations traditionnelles. En produisant localement, Airbus espère surtout soutenir ses ventes en Chine (qui a commandé quelque 400 appareils, NDLR)», rapportait Usine Nouvelle.
Le marché chinois, c’est quand même plus d’un milliard de personnes dont les revenus ne cessent d’augmenter... grâce notamment à la hausse des salaires.
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