Ethiopie : selon MSF, les structures de soins du Tigré sont délibérément vandalisées par les combattants
Près des trois-quarts des établissements de santé de la région visités par les équipes de MSF se sont révélés être hors d'usage.
"Les structures de soins ont été pillées, vandalisées et détruites de façon délibérée et généralisée." C'est le constat dressé par Médecins sans Frontières (MSF), suite à une enquête menée par ses équipes dans la région éthopienne du Tigré. 106 établissements de santé de la région ont été examinés au cours de l'enquête. Seuls 13% fonctionnaient encore correctement. Les trois-quarts des établissements ont été pillés.
Si certains de ces pillages sont considérés comme "opportunistes" par MSF, "la plupart des centres de santé ont été délibérément vandalisés pour les rendre non fonctionnels", précise l'ONG. Des équipements, sans aucun usage autre que médical, ont ainsi été cassés. A l'hôpital d'Adwa, des échographes et des moniteurs ont été détruits. Ailleurs, les pilleurs s'en sont pris également aux bâtiments, détruisant portes et fenêtres afin de les rendre impraticables.
Des hôpitaux en guise de casernes
Des soldats, érythréens ou éthiopiens, se sont installés dans certains centres de santé pour en faire un casernement ou un centre de commandement. C'est le cas pour l'hôpital d'Abiy Addi, dans le centre de la région, occupé par les forces éthiopiennes jusqu'au début du mois de mars. Alors que l'établissement dessert une population d'un demi-million d'habitants, il était interdit aux civils, l'armée se le réservant pour prodiguer les premiers soins à ses soldats blessés.
Des ambulances aux mains des combattants
Au delà des attaques sur les bâtiments, selon MSF, c'est tout le système de santé qui est à terre. Les établissements de santé qui peuvent encore fonctionner manquent de personnel. "Certains ont fui par peur, d'autres ne viennent plus travailler car ils n'ont pas été payés depuis des mois." Même les ambulances sont réquisitionnées. Les équipes de MSF ont vu certains de ces véhicules à la frontière érythréenne utilisés par des soldats pour transporter des marchandises.
Le rapport de MSF ne fait qu'un constat et ne se permet aucune spéculation quant au but recherché par ces actions à l'encontre des établissements de santé. Mais force est de constater qu'elles conduisent à rendre le Tigré "invivable", poussant un peu plus la population à fuir.
Crimes de guerre
Dans ce conflit du Tigré, les rares témoignages confirment toutes les exactions à l'encontre de la population. Amnesty international et CNN ont respectivement publié des informations sur des massacres qui auraient été commis par l’armée érythréenne à Aksoum et dans l'église Maryam Dengelat. L'armée éthiopienne est également accusée d'être responsable de crime de guerres, tout comme son adversaire, le Front de libération des peuples du Tigré (TPLF).
Face à la multiplication des atrocités, les Nations unies ont réagi au début du mois de mars. Michelle Bachelet, la haute-commissaire aux droits de l'Homme, réclame une enquête diligentée par l'ONU. "Nous exhortons le gouvernement éthiopien à accorder à mon bureau et à d’autres observateurs indépendants l’accès à la région du Tigré, en vue d’établir les faits et d'en connaître les responsables, quelle que soit l’affiliation des auteurs", a déclaré Michelle Bachelet.
De leur côté, les Etats-Unis ont fortement réagi aux accusations d'exactions. Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a dénoncé pour la première fois, mercredi 10 mars, des "actes de nettoyage ethnique" au Tigré. Le secrétaire d’Etat a également réclamé un accès humanitaire sans entrave dans la région.
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