Les espèces invasives font perdre 3 600 milliards de dollars par an à l'agriculture africaine
Les insectes introduits sur le continent par le commerce international sont devenus les pires ravageurs des récoltes.
Tuta absoluta, Spodoptera frugiperda, ces noms sont méconnus du grand public et pourtant ces insectes font désormais partie des plus grands ravageurs des cultures en Afrique. Bien plus préoccupants que le célèbre criquet, car leur action est permanente et non liée à des conditions météorologiques favorables. Ces insectes ont en commun d'être des espèces allogènes, introduites il y a peu sur le continent africain, le plus souvent en provenance d'Amérique. La mondialisation des échanges commerciaux en est responsable. Ainsi, la Spodoptera frugiperda est arrivée vers 2016 et a depuis conquis la quasi totalité de l'Afrique subsaharienne. Sa chenille affectionne particulièrement le maïs, le mil ou encore le sorgho, cultures de bases en Afrique.
3 600 milliards de dollars de perte
L'organisation internationale CABI a mené une étude pour mesurer l'impact économique réel de ces ravageurs, dans un continent où 80% de la population vit de l'agriculture. Le résultat est vertigineux. Elle estime les pertes annuelles à 3 600 milliards de dollars, soit une fois et demi le PIB de l'ensemble du continent. Baisse des rendements, disparition d'une partie du cheptel, surcoût de la lutte phytosanitaire sont autant d'éléments à mettre au passif de ces insectes envahisseurs.
Championne des dégâts, Tuta absoluta, la mineuse de la tomate, est arrivée d'Amérique via l'Europe, puis le bassin méditerranéen. Non seulement la chenille mine les plants et les fruits, mais elle ouvre également des galeries où s'engouffrent des envahisseurs secondaires. "Les fruits parasités sont bien souvent invendables", précise l'INRA. Ses dégâts sont estimés à 11,4 milliards de dollars sur le continent.
Le Nigeria le plus touché
Si presque tous les pays africains sont concernés, le Nigeria est le plus touché. Les pertes liées aux espèces allogènes sont estimées à 1 000 milliards de dollars, soit près du tiers du manque à gagner africain. L'étude ne précise pas les raisons de ce classement. Il s'explique sans doute par le fait que le Nigeria, avec plus de 200 millions d'habitants, est le pays le plus peuplé d'Afrique, et que plus de la moitié de sa population se situe en zone rurale et vit de l’agriculture ou de l’élevage.
De moins bons rendements signifient, pour les populations, une baisse de leurs revenus et autant de menaces sur leurs conditions de vie. Et les petits exploitants en sont les premières victimes. Ils travaillent sur des surfaces réduites, aux faibles capacités de rotation culturale, et ont peu ou pas de moyens de lutte sanitaire.
Impact sur la vie quotidienne
"Les résultats soulignent le besoin de mesures qui empêchent l'arrivée de nouvelles espèces et aux espèces établies de se répandre", indique René Eschen, l'un des auteurs de l'étude. Il préconise d'améliorer la lutte biologique et insiste sur "la nécessité de mettre en place des mesures de quarantaine et phytosanitaires nationales et régionales pour empêcher l'entrée et la propagation de nouvelles espèces".
Dans le même temps, l'étude souligne le peu d'intérêt porté pour l'heure à combattre ces espèces envahissantes. Le manque de travaux de recherche et de mesures prophylactiques contribuent largement à l'augmentation exponentielle de la menace.
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