Visite du pape François en Égypte : la communauté chrétienne "est brisée, malmenée et a peur"
Isabelle de Gaulmyn, du journal La Croix, souligne l'importance de la visite du pape François en Égypte, où les conditions de vie de la communauté chrétienne se sont "beaucoup détériorées".
Le pape François se rend, vendredi 28 avril, en Égypte pour une visite qui va durer un jour et demi. II s'agit de défendre la paix et le dialogue avec l’islam, dans un contexte tendu, seulement trois semaines après le double attentat du 9 avril contre les coptes lors des célébrations des Rameaux. Ce voyage est un soutien précieux pour les communautés chrétiennes d'Égypte, dont "les conditions de vie se sont beaucoup détériorées, notamment avec la poussée d'un islam identitaire", a analysé sur franceinfo vendredi 28 avril, Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef au journal La Croix.
franceinfo : Dans quel état va-t-il trouver cette communauté chrétienne d'Egypte en particulier les catholiques, trois semaines après des attentats sanglants ?
Isabelle de Gaulmyn : C'est une communauté brisée, malmenée depuis des années et qui a peur aujourd'hui. Il y a à la fois une communauté catholique et une communauté orthodoxe. Les catholiques en Égypte sont très minoritaires. Il y a une petite communauté copte qui est catholique, mais la plupart des coptes sont orthodoxes. Ce sont près de neuf millions de personnes qui sont là depuis les débuts du christianisme. Ils estiment qu'ils sont chez eux en Égypte et ils ont raison. Ils ont le sentiment qu'on veut les chasser. Depuis quelques années, les conditions de vie des coptes se sont beaucoup détériorées, notamment avec la poussée d'un islam identitaire et des Frères musulmans en Égypte. Ils ont peur. La présence de François est donc très importante, même si ce n'est pas leur pape. Le leur est le copte Tawadros II.
Le pape François va rencontrer le grand imam d'Al-Azhar, la grande institution de l'islam sunnite. C'est une démarche très symbolique ?
Le dialogue avec Al-Azhar établi par Jean-Paul II et interrompu en 2011 par le pape Benoît XVI à la suite de nombreux malentendus est très important. Le pape François, dès qu'il a été élu, a essayé de renouer le fil, en passant par les Dominicains qui sont notamment très présents au Caire. Le grand imam d'Al-Azhar, Ahmed el-Tayeb, est venu au Vatican, en mai 2016. C'est à ce moment-là qu'il a invité le pape. Il s'agit de la plus haute autorité sunnite dans le monde. Al-Azhar fait beaucoup pour rénover l'islam et le diriger dans un sens plus moderne, plus laïc. La mosquée a signé il y a un mois un document qui affirme clairement que les autres religions ne sont pas des minorités et ne doivent pas être considérées comme telles, mais comme des communautés avec les mêmes droits que les musulmans. C'est vraiment cet islam, cet effort de rénovation que le pape va essayer d'encourager.
Cette volonté de renouer avec l'islam même modéré, fait-elle consensus au sein de l'Église catholique aujourd'hui ?
Au sein de l'Église, on n'a pas le choix. Sinon, on va vers une guerre de civilisations, ce que le pape refuse. Certains dans l'Église, au Proche et au Moyen-Orient, pensent qu'il faut que les chrétiens exigent des musulmans un certain nombre de garanties sur la laïcité. Certains chrétiens mettent en garde contre une trop grande naïveté dans ce dialogue. Ils veulent exiger la réciprocité et que les musulmans acceptent notamment les conversions. Le pape est par ailleurs très populaire. Il y a donc toujours un risque de récupération dès qu'il va quelque part, notamment par les autorités politiques. Je pense qu'il faut encourager Al-Sissi (le président égyptien) qui essaye d'obtenir une paix relative dans son pays et de protéger les communautés. C'est vrai qu'il n'y arrive pas tellement. On l'a vu avec les derniers attentats du dimanche des Rameaux. Ces attaques sont sans doute liées à la visite du pape. C'est donc une visite à la fois importante et dangereuse.
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