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Mozambique : un investissement de 22,3 milliards d’euros dans le gaz naturel

Un accord en ce sens a été signé en grande pompe le 18 juin 2019 à Maputo entre les autorités mozambicaines et un consortium d’entreprises étrangères.

Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
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Méthanier transportant du gaz naturel liquéfié (GNL). Photo obtenue le 11 juin 2019. Royal Dutch Shell Australia. (REUTERS - HANDOUT . / X80001)

La compagnie pétrolière américaine Anadarko va investir 25 milliards de dollars (22,3 milliards d'euros) dans l'exploitation de gisements offshore de gaz naturel liquéfié (GNL). Ceux-ci, dont les réserves sont estimées à 500 milliards de m³, ont été découverts il y a une dizaine d’années, au large de la province du Cabo Delgado, dans le nord du Mozambique. Une région déshéritée secouée par une insurrection islamiste que Maputo s'est engagée une nouvelle fois à mater.

Il s’agit du "plus important investissement direct étranger de l'histoire de notre pays", s'est réjoui le président mozambicain Filipe Nyusi, lors d'une cérémonie à Maputo en présence du PDG d'Anadarko, Al Walker. Le Mozambique figure parmi les "dix pays au monde possédant les plus importantes réserves de gaz", a-t-il souligné. Il s’agit même du "plus gros investissement jamais réalisé en Afrique subsaharienne", précise le quotidien Le Monde.

Dans le cadre de ce mégaprojet, une usine de liquéfaction sera construite à une quarantaine de kilomètres des puits offshore, à Palma (nord), qui n'était encore qu'un village de pêcheurs avant la découverte des hydrocarbures. Elle devrait commencer à fonctionner en 2024. Sa capacité de production annuelle devrait être alors de 12 millions de tonnes. "Le recours au gaz naturel augmente rapidement dans le monde, alors que les pays cherchent à répondre à la demande croissante en énergie et à détourner du charbon, (mode d’énergie) plus sale, leurs secteurs industriel et énergétique", observe l’agence Reuters.

Les actifs africains d’Anadarko rachetés par Total

La signature de l’accord intervient alors qu’Anadarko devrait être racheté (pour 57 milliards de dollars, soit 51 milliards d’euros) en 2020 par l'américain Occidental Petroleum, opération qui reste à finaliser. Dans ce contexte, les actifs africains du groupe, présent en Algérie, au Ghana, au Mozambique et en Afrique du Sud, devraient être récupérés par Total, comme le laissait entendre franceinfo Afrique le 8 mai 2019. C’est donc le groupe français qui a toutes les chances de succéder à Anadarko au Mozambique.

Chiffrée à 8,8 milliards de dollars (7,8 milliards d’euros), cette opération "devrait être la plus grosse acquisition de Total, après le rachat d’Elf en 1999". Elle va permettre à la compagnie française de se renforcer sur le marché du GNL "dont (elle) détient déjà 10%, seulement devancé par Shell", observe Le Monde.

Total n’est pas seul sur les rangs pour exploiter les gisements mozambicains. Deux autres gros projets sont sur les rails : l’un de l’italien ENI et l’autre de l’américain ExxonMobil (qui devrait prendre une décision d’ici fin 2019). Des concessions ont également été accordées au chinois CNPC et au portugais Galp. Selon les estimations du cabinet de consultants Woodmac, citées par l’AFP, "à partir du début des années 2030, les revenus du Mozambique tirés du gaz naturel liquéfié atteindront 3 milliards de dollars par an, doublant à eux seuls les revenus actuels" du pays.

Instabilité au Cabo Delgado

L’annonce de l’accord intervient malgré l’instabilité liée à l'insurrection islamiste en cours dans le Cabo Delgado, qui a déjà fait au moins 200 morts depuis fin 2017. "Il n'y a pas d'investissements sans paix", a prévenu le président Filipe Nyusi. "Je travaillerai pour m'assurer que le pouvoir masqué ne continue pas à semer la terreur dans le Cabo Delgado en tuant la population", a-t-il ajouté. Pour autant, les nombreux renforts des forces de sécurité ont jusqu'à présent été incapables de ramener l'ordre. Certains observateurs évoquent le manque de professionnalisme des militaires mozambicains qui resteraient enfermés dans leurs bases et seraient à peine armés…

Bâtiments endommagés par le cyclone Kenneth dans un village de la province du Cabo Delgado (nord du Mozambique). Photo prise le 1er mai 2019. (REUTERS - MIKE HUTCHINGS / X00388)

Un an et demi après leurs premières opérations, l'identité et les motivations des islamistes, qui n'ont jamais revendiqué leurs actes, restent une énigme. En février et mai, les jihadistes s'en sont pris à des convois d'entreprises travaillant pour Anadarko, tuant au moins deux personnes et en blessant plusieurs. Selon la presse locale, les futurs producteurs de gaz ont largement recours aux entreprises de sécurité privées pour assurer la protection de leurs activités.

D’autres facteurs sont susceptibles d’inquiéter les investisseurs. La région de Beira (nord), seconde ville du pays, a été ravagée par deux cyclones dont les dégâts sont estimés à plusieurs milliards d’euros. Et ce, alors que le pays est confronté à une énorme "dette cachée", comme le rapportait franceinfo Afrique le 28 mars 2018. Motif : des dirigeants ont emprunté en secret 2 milliards de dollars. Une somme que Maputo a de grandes difficultés à rembourser.

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