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Centrafrique : «Nous avons sous-estimé le niveau de haine dans le pays»
Paris a annoncé l’envoi de 400 hommes supplémentaires en Centrafrique. Ce «sera plus long que prévu», a annoncé le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, à propos de l’intervention de la force Sangaris en Centrafrique. Une délégation de députés français s’est rendue à Bangui, la capitale du pays, les 16 et 17 février. Témoignage de l’un d’entre eux, Gwendal Rouillard (PS, Morbihan)
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Qu’avez-vous pu constater lors de votre séjour ?
A Bangui, les populations sont revenues dans les rues. Elles se sont remises à commercer, à échanger. De leur côté, nos militaires expliquent que le nombre d’incidents a considérablement baissé depuis plusieurs semaines. La sécurité revient, la situation se stabilise. Pour autant, la situation reste très difficile : il n’y a qu’à voir les visages marqués, notamment chez les musulmans, et les regards apeurés de certains habitants pour s’en rendre compte.
Face à la déliquescence de l’Etat, la sécurisation est indispensable. Il n’y a plus d’armée, plus de police. Et plus d’état-civil, ce qui est un point très important pour la tenue d’un processus électoral. Depuis cinq mois, les fonctionnaires ne sont plus payés.
De leur côté, les soldats de l’opération Sangaris ont détruit des tonnes d’explosifs, de grenades, d’obus, de mines anti-personnel. Et ils commencent à se déployer en province. A côté de l’opération de désarmement, ils ont mené une opération de police intérieure et soutenu les ONG présentes sur le terrain.
En lançant Sangaris, la France a-t-elle mesuré tous les enjeux de la situation sur place ? Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, dont vous êtes proche, expliquait ainsi le 15 février que «le niveau de violence est plus important que celui qu’on imaginait»…
Notre analyse était bonne, mais effectivement, nous avons sous-estimé le niveau de haine dans le pays. Il y a eu un engrenage après l’arrivée au pouvoir des rebelles du Séléka (présentés comme majoritairement musulmans, NDLR) en mars 2013 et les exactions qui ont suivi. Ces exactions ont atteint un tel niveau qu’elles ont entraîné une rupture du contrat de confiance au sein de la population. Les choses se sont cristallisées entre les 5 et 7 décembre quand il y a eu 1000 morts à Bangui. Et si nous n’étions pas intervenus, le processus aurait pu conduire à un génocide.
L’opposition entre les ex-Séléka et les miliciens anti-Balaka (présentés comme majoritairement chrétiens animistes, NDLR) a un vernis religieux. Mais derrière, il y a le développement de la criminalité, de la drogue et du trafic d’êtres humains. De ce point de vue, il y a des points communs avec le Mali.
Dans ce contexte, la France assume ses responsabilités. Face à la gravité de la situation, elle fait le boulot. Le travail est fait. Et bien fait. Il a eu des résultats tangibles. Mais pour nous, c’est difficile de faire davantage, nous sommes au taquet.
Et maintenant, que va-t-il se passer ?
Il y a le vote prévu à l’Assemblée le 25 février (sur la prolongation de Sangaris au-delà d’avril, NDLR). De son côté, la présidente centrafricaine de transition, Catherine Samba Panza, veut engager un processus de réconciliation nationale. Elle souhaite qu’on l’aide à créer les conditions d’un tel processus. Et elle a demandé le maintien des forces françaises jusqu’en 2015.
En envoyant des renforts, nous donnons ainsi un signe politique pour que l’on aille plus loin. On se trouve dans une fusée à plusieurs étages. Il y a le rôle de la force africaine Misca. Il faut désormais que l’ONU et l’Union européenne (avec l’Eufor-RCA) montent à bord. Mais il va falloir du temps pour que la fusée se mette en place.
Dans le même temps, pour la France, c’est une rupture stratégique à assumer. Elle doit garder son rang. Tout en tenant compte de l’évolution des Etats africains, des réseaux djihadistes et criminels. Désormais, il lui faut réinvestir l’Afrique avec un nouveau prisme stratégique et culturel.
A Bangui, les populations sont revenues dans les rues. Elles se sont remises à commercer, à échanger. De leur côté, nos militaires expliquent que le nombre d’incidents a considérablement baissé depuis plusieurs semaines. La sécurité revient, la situation se stabilise. Pour autant, la situation reste très difficile : il n’y a qu’à voir les visages marqués, notamment chez les musulmans, et les regards apeurés de certains habitants pour s’en rendre compte.
Face à la déliquescence de l’Etat, la sécurisation est indispensable. Il n’y a plus d’armée, plus de police. Et plus d’état-civil, ce qui est un point très important pour la tenue d’un processus électoral. Depuis cinq mois, les fonctionnaires ne sont plus payés.
De leur côté, les soldats de l’opération Sangaris ont détruit des tonnes d’explosifs, de grenades, d’obus, de mines anti-personnel. Et ils commencent à se déployer en province. A côté de l’opération de désarmement, ils ont mené une opération de police intérieure et soutenu les ONG présentes sur le terrain.
En lançant Sangaris, la France a-t-elle mesuré tous les enjeux de la situation sur place ? Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, dont vous êtes proche, expliquait ainsi le 15 février que «le niveau de violence est plus important que celui qu’on imaginait»…
Notre analyse était bonne, mais effectivement, nous avons sous-estimé le niveau de haine dans le pays. Il y a eu un engrenage après l’arrivée au pouvoir des rebelles du Séléka (présentés comme majoritairement musulmans, NDLR) en mars 2013 et les exactions qui ont suivi. Ces exactions ont atteint un tel niveau qu’elles ont entraîné une rupture du contrat de confiance au sein de la population. Les choses se sont cristallisées entre les 5 et 7 décembre quand il y a eu 1000 morts à Bangui. Et si nous n’étions pas intervenus, le processus aurait pu conduire à un génocide.
L’opposition entre les ex-Séléka et les miliciens anti-Balaka (présentés comme majoritairement chrétiens animistes, NDLR) a un vernis religieux. Mais derrière, il y a le développement de la criminalité, de la drogue et du trafic d’êtres humains. De ce point de vue, il y a des points communs avec le Mali.
Dans ce contexte, la France assume ses responsabilités. Face à la gravité de la situation, elle fait le boulot. Le travail est fait. Et bien fait. Il a eu des résultats tangibles. Mais pour nous, c’est difficile de faire davantage, nous sommes au taquet.
Et maintenant, que va-t-il se passer ?
Il y a le vote prévu à l’Assemblée le 25 février (sur la prolongation de Sangaris au-delà d’avril, NDLR). De son côté, la présidente centrafricaine de transition, Catherine Samba Panza, veut engager un processus de réconciliation nationale. Elle souhaite qu’on l’aide à créer les conditions d’un tel processus. Et elle a demandé le maintien des forces françaises jusqu’en 2015.
En envoyant des renforts, nous donnons ainsi un signe politique pour que l’on aille plus loin. On se trouve dans une fusée à plusieurs étages. Il y a le rôle de la force africaine Misca. Il faut désormais que l’ONU et l’Union européenne (avec l’Eufor-RCA) montent à bord. Mais il va falloir du temps pour que la fusée se mette en place.
Dans le même temps, pour la France, c’est une rupture stratégique à assumer. Elle doit garder son rang. Tout en tenant compte de l’évolution des Etats africains, des réseaux djihadistes et criminels. Désormais, il lui faut réinvestir l’Afrique avec un nouveau prisme stratégique et culturel.
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