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Centrafrique : le groupe Castel accusé d'avoir entretenu des liens avec des milices armées

Une filiale du groupe français Castel aurait apporté durant plusieurs années un soutien financier à des groupes armés en Centrafrique en échange de la sécurisation d'une usine, affirme une ONG.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Le leader du groupe armé "Unité pour la paix en Centrafrique" (UPC), Ali Darassa, entouré de ses hommes dans la ville de Bokolobo près de Bambari, le 16 mars 2019. (FLORENT VERGNES / AFP)

Selon l'ONG américaine, The Sentry, fondée par George Clooney et spécialisée dans la traque de l'argent sale, la société française Sucrerie Africaine de Centrafrique (Sucaf RCA), filiale du groupe Castel, a négocié un arrangement avec des groupes armés pour sécuriser sa sucrerie et les champs de cannes à sucre.

Fin 2014, dans un contexte de crise politique et sécuritaire aiguë (la France avait lancé l’opération Sangaris quelques mois plus tôt), Sucaf RCA "a négocié un arrangement sécuritaire avec un groupe armé, l’Unité pour la paix en Centrafrique (UPC)", explique le rapport de Sentry. Un accord tacite qui prévoyait de protéger l’usine et d’assurer son approvisionnement, notamment en contrôlant les axes routiers conduisant à la sucrerie.

Un combattant anti-Balaka protège le 25 avril 2014, des habitants chrétiens du village de Bouca à 300 km de Bangui la capitale de la Centrafrique. (ISSOUF SANOGO / AFP)

En échange, selon The Sentry, la Sucaf RCA a mis en place un "système sophistiqué et informel pour financer les milices armées par des paiements directs et indirects en espèces, ainsi que par un soutien en nature".

Le site de la sucrerie et de son domaine de plus de 5000 hectares se situe à Ngakobo, à 460 kilomètres au nord-est de Bangui. L’usine traite chaque jour 450 tonnes de cannes et produit annuellement 12 000 tonnes de sucre blond. En 2012, la région n’a pas échappé aux troubles, bien au contraire. Bambari, la ville principale a longtemps été l’épicentre de la guerre civile.

Ambiance de génocide

Rebelles Séléka contre anti-Balaka, musulmans contre chrétiens, s’affrontent. Les tueries succèdent aux exactions en tous genres, et le pays s’enfonce dans le chaos. Dans ce contexte, en janvier 2013, l’usine est le théâtre de pillages, des personnes y sont tuées rapporte la presse locale.

L’usine est alors fermée, et selon l’ONG la société sucrière passe un accord avec la Séléka pour protéger ses biens. La Séléka a d’abord pris le contrôle de la région, puis du pays tout entier.

Un soldat français de la force Sangaris en patrouille le 23 juin 2014 près de Bangui. (PACOME PABANDJI / AFP)

Avec l’opération Sangaris, lancée par la France en décembre 2013, une normalisation politique s’installe en Centrafrique. Si la Séléka est officiellement dissoute, elle a généré divers groupes dont l’UPC. Celui-ci prend le contrôle de la région de Bambari, et par le truchement de l’armée française selon The Sentry, il va assurer la sécurité de la sucrerie et de son domaine.

En guise de retour d’ascenseur affirme l’ONG, les véhicules militaires de l’UPC étaient régulièrement entretenus par l’usine, qui fournissait en sus le carburant. Selon The Sentry les deux chefs de l’UPC auraient également perçu 258 000 dollars en espèces de 2014 à 2019. Tant les officiers que les soldats étaient rémunérés, parfois en nature.

Dans les quatre préfectures contrôlées par l’UPC, la Sucaf RCA entendait conserver son monopole et demande alors à l’UPC de lutter contre la contrebande en provenance du Soudan. Selon l’ONG, "le sucre saisi était discrètement déchargé la nuit avant d’être reconditionné en sacs de la Sucaf RCA pour être ensuite vendus à des grossistes".

Complicité de crimes de guerre ?

Le système a pris fin en 2021, depuis que le pouvoir central de Bangui a repris la main dans la région, et chassé l’UPC. Mais pour l’ONG, le sucrier a soutenu une organisation responsable de multiples exactions dont certaines relèves de crimes de guerre, voire de crimes contre l’humanité, alors même que les responsables au plus haut niveau du groupe (donc jusqu’à la direction de Castel) ont régulièrement été informés des violations flagrantes des droits de l’homme commises par l’UPC.

Des rebelles de la Séléka en patrouille près de la localité de Damara en Centrafrique, le 8 janvier 2013. (STR / AFP)

"Les paiements directs et indirects aux chefs de l’UPC pouvaient servir à l’entretien et à l’achat de véhicules et de carburant, ainsi qu’à la fourniture d’armes et de munitions utilisées contre des civils", relève le rapport.

Alexandre Vilgrain le PDG du groupe SOMDIAA qui contrôle la sucrerie a expliqué : "nous avons cherché à sécuriser le site de la Sucaf RCA avec l’appui des forces militaires étrangères sous mandat international présentes sur la zone. Notre objectif était la sécurisation des personnes et des biens. Grâce à cette recherche de sécurisation, Sucaf RCA a favorisé la mise en place d’un camp de déplacés sécurisé, zone refuge pour la population environnante ". Il ajoute qu’ "il n’existe à notre connaissance aucun arrangement passé (avec l’UPC) par la direction de la Sucaf RCA et aucun soutien d’aucune sorte n’a été fourni."

L’ONG réclame à présent l’ouverture d’une enquête, sur l’ensemble du groupe Castel, tant par la France que par la CPI sur les allégations de complicité et les responsabilités potentielles en matière de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

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