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France-Algérie : 37 crânes d’Algériens du Musée de l’Homme cherchent sépulture

Des associations demandent la restitution des 37 crânes d’Algériens, datant de la moitié du XIXe siècle, entreposés dans des cartons spéciaux dans les réserves du Musée de l’homme à Paris. L’Etat algérien n’a pas formulé de requête pour leur rapatriement.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min

Nom et prénom : Mohammed Lamjad Ben Abdelmalek, pseudonyme Boubaghla (L’homme à la mule). Bio express : il a été tué en 1854 alors qu’il était à la tête d’une insurrection en Kabylie face à l’armée française. Comme 36 autres de ses compatriotes, ses restes, des crânes desséchés pour la plupart, se sont retrouvés au Musée de l’Homme de Paris dans la collection du fonds d’anthropologie. Conservés dans des boîtes en cartons de collection dans les réserves du musée, ils sont inaccessibles au public.
 
La découverte de ces crânes remonte à 2011. L’historien Ali Farid Belkadi, qui faisait ses recherches pour son livre Boubaghla, le sultan à la mule grise, la résistance des Chorfas (éditions Thala), est à l’origine de ces révélations. Selon lui, certains fragments des corps étaient conservés au musée depuis 1880, date à laquelle ils sont entrés dans sa collection ethnique. «Ces crânes proviennent pour certains des prises de guerre, des opposants décapités ou des personnes mortes à l’hôpital des suites de blessure ou de maladie que médecins et chirurgiens militaires récupéraient pour leurs collections personnelles», explique, à La Croix, Philippe Mennecier, chargé de la conservation de la collection d’anthropologie.
 
Ainsi, le crâne de Boubaghla  porte l’indication : «Don de M.Vital, de Constantine, 1880-24,  Bou Barla, dit Le Borgne. 5940, crâne s.m.i».  «Il a fallu des recherches subsidiaires pour savoir qui était qui, en ce qui concerne les donateurs ou les collectionneurs, certains sont médecins militaires, d’autres sont anthropologistes», précise Ali Farid Belkadi.
 
«Sa tête (Boubaghla) servit de trophée et fut envoyée au médecin chef de l'hôpital de Constantine, le docteur Vital qui en fit don à Paul Broca pour ses collections. Un de ses compagnons, Issa el Hammadi, fut exécuté dans les mêmes circonstances, et sa tête momifiée a été conservée. Ce ne fut pas le seul don d'importance que Vital fit», note Guillaume Fontanieu, anthropologue.


L’exemple du chef Ataï
Les signataires des pétitions demandant le retour des crânes vers leur pays d’origine (Algérie), s’inspirent de deux exemples : le chef kanak Ataï et de Saartjie Baartman, plus connue sous le nom de la «Vénus Hottentote». Le crâne d'Ataï, rebelle kanak décapité en 1878 en Nouvelle-Calédonie, a été restitué en août 2014. En 1878, 25 ans après la prise de possession de l'archipel par la  France, le grand chef Ataï avait conduit, dans la région de La Foa, une importante révolte. Il a été tué puis décapité le 1er septembre 1878. Placée dans un bocal d'alcool phénique, sa tête fût ensuite expédiée en France.
 
Le Musée de l'Homme se caractérise par l'importance de sa diversité biologique, avec près de 160 pays représentés pour un total recensé de 17 679 crânes, 975 squelettes et 80 momies. En France, malgré le principe d’inaliénabilité des collections publiques, réaffirmé par la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, les restes de Saartjie Baartman, la «Vénus hottentotte», sont restitués à l'Afrique du Sud en 2002, quinze têtes maoris sont rendues à la Nouvelle-Zélande en 2010.
 
Pour les autorités du Musée, rien n’empêcherait le rapatriement des 37 crânes si l’Etat algérien en formule la demande. C’est le combat de l’historien Ali Farid Belkadi

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