Corruption, manque de moyens, inégalités... En Algérie, le système de santé pourtant gratuit "laisse à désirer"
Les hôpitaux algériens manquent d'équipements et de médicaments, malgré l'investissement public, comme en témoigne le reportage de franceinfo au CHU d'Alger.
"Il y a beaucoup de manières de détourner de l'argent destiné aux hôpitaux, à la santé et en général", confie le docteur Mohamed Taileb, médecin au Centre hospitalier universitaire (CHU) Mustapha d'Alger. Avec de la corruption et des inégalités, le système de santé en Algérie concentre les problèmes du pays.
Un vieil homme courbé soutenu par ses enfants, un petit garçon avec un grosse une plaie à la tête. La salle d’attente des urgences du CHU est remplie, dans un bâtiment en mauvaise état. "Malheureusement, il est déjà en situation dégradée malgré sa construction récente", constate tous les jours Mohamed Taileb. Un mur fissuré, une porte cassée près du bloc opératoire, un brancard rouillé au service réanimation.
L’an dernier, le docteur Mohamed Taileb et des milliers d’autres internes dans tout le pays ont fait la grève des gardes pendant huit mois afin de dénoncer leurs conditions de travail. Sous-payés, malmenés et surtout en manque de médicaments et d’équipements, leur situation n’a pas changé.
Nous, pneumologues, sommes en pénurie de Salbutamol, un médicament pour gérer une crise d'asthme.
Docteur Taileb, au CHU d'Algerà franceinfo
"Pénurie aussi de seringues", lance aussi le médecin. Il y ajoute "des gants qui se déchirent" et d'autres équipements qui ne sont pas aux normes. Le masque nécessaire pour une consultation avec un tuberculeux n'est pas disponible, explique-t-il : "Ce n'est pas normal. Je risque ma santé, vis-à-vis d'une tuberculose multirésistante. Et beaucoup de matériel pour opérer manquent. Les lunettes, les masques à oxygène..." Les conséquences peuvent-être fatales aussi pour les patients : "On en a perdu."
Les plus fortunés vont "à l'étranger"
En Algérie, les soins sont gratuits mais le manque de moyens dans les hôpitaux provoque des inégalités. Les plus riches se font suivre ailleurs, comme le constate Malika qui vit en face de l’hôpital. "Ils vont se soigner à l'étranger. Mais un pauvre malheureux va crever à l'hôpital s'il manque des médicaments".
On est à la merci des cliniques privées qui vous prennent les yeux de la tête.
Malika, une habitante d'Algerà franceinfo
"Bien sûr, la santé laisse à désirer !", ajoute-t-elle. Pourtant, l’État injecte des milliards de dinars dans le système de santé, mais une partie de cet argent disparait dans la nature. "Des gens sont corrompus", assure le docteur Taileb. "Des gens volent l'argent que l'État investit dans les hôpitaux, détournent l'argent avec des fraudes en achetant du matériel de mauvaise qualité à des prix exorbitants. Du matériel qui n'est jamais entré à l'hôpital".
Conséquence : le pays fait face à un manque de praticiens toujours plus nombreux à choisir l’exode. Quelque 4 000 médecins algériens sont candidats au départ cette année vers la France.
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