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Afrique du Sud : pourquoi la production inédite d'un vaccin anti-Covid sur le continent africain risque de tourner court

Le groupe pharmaceutique Aspen risque de fermer sa ligne de production parce qu'il n'a pas reçu de commandes pour son sérum Aspenovax.

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le continent africain pourrait rater une occasion inédite de disposer d'une production locale de vaccins fabriqués par le groupe pharmaceutique Aspen Pharmacare.  (MAGALI COHEN / HANS LUCAS)

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, la nécessité de produire des vaccins contre la maladie sur le sol africain afin de réduire la dépendance des Etats vis-à-vis de l’extérieur s’est imposée. Aussi, la situation du groupe pharmaceutique sud-africain Aspen Pharmacare paraît-elle aujourd’hui paradoxale : l’entreprise vient d’annoncer que l’avenir de son usine de production du sérum contre le Covid-19 en Afrique du Sud était incertain faute de commandes.Tout avait pourtant bien commencé.

Une initiative salvatrice

Après des mois de négociations lancées en novembre 2021, la filiale sud-africaine d’Aspen Pharmacare concluait le 8 mars 2022 avec Janssen Pharamaceuticals (Johnson & Johnson) un accord qui lui permettait de produire et de commercialiser sur le continent africain un vaccin anti-Covid-19 sous la marque Aspenovax. Le sérum était fabriqué à partir de la substance médicamenteuse fournie par la firme américaine Johnson & Johnson. "Avec la conclusion de cet accord, notre vision d'Aspenovax, le vaccin propre à l'Afrique, est devenue une réalité !", avait déclaré le PDG d’Aspen, Stephen Saad, à la signature de l’accord censé courir jusqu’en 2026. 

Même son de cloche chez John Nkengasong, le directeur du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC). Lequel avait estimé que cette signature "constituait un moment important pour le continent (car elle lui permettait) de posséder, fabriquer et distribuer le premier vaccin (contre le Covid-19) qui couvrira les 55 Etats de l'Union africaine, améliorant ainsi l'accès aux vaccins sur le continent".

Aspen attendait notamment des commandes de l’initiative internationale Covax permettant aux pays les plus démunis d'accéder à la vaccination et de son équivalent africain, AVAT (African Vaccine Acquisition Trust). "Nous serons en mesure de fournir 35 millions de doses de vaccin par mois d'ici juin", assurait en mars le PDG d’Aspen, Stephen Saad, rapporte Reuters.

"Un très mauvais signal" 

"Si nous ne recevons aucune commande de vaccins, il est clair qu'il y aura très peu de raisons de conserver les lignes que nous utilisons actuellement pour la production (à l’usine de Gqeberha, dans la province du Cap-Oriental, NDLR)", déplore aujourd’hui Stavros Nicolaou, en charge de la stratégie du groupe pharmaceutique, indique Reuters

"Si Aspen ne peut pas produire les vaccins Covid, quel espoir y a-t-il pour les autres ?", renchérit pour sa part Stephen Saad dans les colonnes du Financial Times (article payant). Un sentiment que partage John Nkengasong, le patron d'Africa CDC. "Si cette entreprise échoue, cela envoie un très mauvais signal concernant l'objectif (...) de développer la production de vaccins en Afrique", confie-t-il également au Financial Times.

Pléthore de doses

Selon le quotidien britannique, les dirigeants africains se démènent aujourd’hui pour gagner du temps, "soit en poussant (Johnson & Johnson) à produire les quelque 240 millions de doses qu'ils doivent à l'Union africaine à Aspen, soit en encourageant le programme de vaccination Covax à commander des doses d'Aspenovax". Seulement, selon Financial Times, Johnson & Johnson dispose "de dizaines de millions de vaccins en stock qui pourraient être expédiés aux pays immédiatement (et) Covax a déjà des accords en place pour accéder à plus de deux milliards de doses".

Pour Patrick Tippoo, directeur exécutif de l'Africa Vaccine Manufacturing Initiative (Initiative pour la fabrication de vaccins en Afrique) cité dans les colonnes du Financial Times, la situation d’Aspen démontre qu’il faut "s'assurer que les capacités que nous avons développées ou élargies soient soutenues à long terme par d'autres vaccins de sorte que, lors de la prochaine pandémie, ces capacités soient disponibles". Ce qui est en substance le projet d’Aspen qui comptait, d’après Reuters, sur les premières commandes d’Aspenovax pour se donner les moyens de produire dans le futur d’autres sérums. 

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), seuls 16% des habitants du continent étaient vaccinés début avril 2022. L'Afrique du Sud, où est installée l'usine de production d'Aspenovax, enregistre le double de personnes vaccinées.

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