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Afghanistan : "On est en train de faire disparaître petit à petit 38 millions de personnes", affirme la présidente de l'association Afghanistan libre

Depuis mardi 20 décembre, les jeunes femmes n'ont plus le droit de suivre des études supérieures. Des centaines d'Afghanes n'ont pas pu accéder aux campus du pays, mercredi 21 décembre.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Des Afghanes rentrent chez elles après s'être vu refuser l'entrée à l'université, le 21 décembre 2022. (WAKIL KOHSAR / AFP)

"On est en train de faire disparaître petit à petit 38 millions de personnes", a réagi mercredi 21 décembre sur franceinfo Chekeba Hachemi, présidente de l'association Afghanistan libre et première femme à avoir participé à un gouvernement afghan. Ce mercredi, des centaines de jeunes femmes ont été empêchées par des gardes armés d'entrer dans les campus universitaires en Afghanistan, au lendemain de la décision des autorités d'interdire les études supérieures aux jeunes femmes, déjà privées d'enseignement secondaire.

Chekeba Hachemi dénonce "la naïveté" de la communauté internationale qui a "vendu" les talibans comme "des gens avec qui on peut négocier". Elle évoque les questions des Afghanes qui dénoncent "le silence" international.

franceinfo : Comment avez-vous reçu cette interdiction d'accès à l'université des jeunes femmes afghanes ?

Chekeba Hachemi : C'est terrible parce que je ne comprends pas la naïveté de la communauté internationale, à chaque fois, de découvrir une mesure de plus. Depuis le 15 août 2021, on sait, nous les Afghans, que les talibans 2021 sont exactement les mêmes que les talibans version 1, 1996-2001. C'est avec cette naïveté que la communauté internationale nous les ont vendus comme des gens avec qui on peut négocier. Je le répète, depuis 2019, on dénonce la négociation à Doha de l'Europe et des Etats-Unis avec ces talibans pour les considérer comme des personnes à part entière. Mais pour nous, ce sont toujours les mêmes terroristes. On savait très bien qu'à partir du moment où ils arrivaient au pouvoir, ce serait exactement la même politique.

Et là, on parle de mesures terribles pour emmurer vivantes 20 millions de personnes. Parce que sur les 38 millions d'Afghans, il y a 20 millions de femmes et de filles. En plus, on détruit l'avenir de ce pays. Plus de 40 années de guerre ont fait qu'il n'y avait que des femmes à la tête des foyers. Et aujourd'hui, emmurées vivantes, comment vont sortir ces 38 millions de personnes ? Donc ça veut dire qu'en 2022, toute la communauté internationale va assister au fait qu'on est en train de faire disparaître petit à petit 38 millions de personnes. Mais cette fois ci, on ne pourra pas dire qu'on ne savait pas comment comme en 1996. Cette fois ci, nous le savons tous.

Est-ce qu'il y avait dans la population cette naïveté de penser que les talibans avaient changé ?

La communauté internationale, les pays de la démocratie, la France, l'Europe, les États-Unis, ont vendu depuis deux ans à la population afghane des nouveaux dirigeants qui sont, entre guillemets démocrates, en tout cas qui sont capables de négocier avec les Européens, les Américains et qui sont capables de signer des papiers. Au bout de 45 années de guerre et quatre invasions différentes, vous êtes prêts à tout croire pour une paix durable, pour une stabilité, pour l'éducation de vos enfants. Et là, c'est la communauté internationale qui a berné les Afghans.

Que vous ont dit ces étudiantes que vous avez eues au téléphone ? Que peuvent-elles faire ? Que doivent-elles faire ?

Aujourd'hui, il faut arrêter de prendre les Afghanes pour des citoyennes de seconde zone. Il faut arrêter de vouloir faire une épicerie, une petite école clandestine dans un coin, une petite classe clandestine dans un autre. Ce n'est pas ça. Les Afghanes et les Afghans veulent une vraie prise de conscience de la communauté internationale qu'on les a bradés, qu'on a donné la clé de leur pays à des terroristes venus du monde entier et qui sont en train de faire un laboratoire de fabrication de terroristes et de kamikazes. Donc ça nous concerne aussi en Europe. Les Afghans, ce qu'ils demandent, c'est un vrai changement. Ils ne veulent pas des petits projets d'épicerie, ils veulent un vrai changement pour qu'on leur donne accès aux droits les plus élémentaires, le droit à l'éducation, le droit à une santé basique. Et où sont les agences onusiennes ? Aujourd'hui, on a besoin d'elles. Ce sont des agences qui travaillent en dehors de tout aspect politique d'un pays. Pourquoi ces agences humanitaires ne sont pas en Afghanistan ?

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