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Afghanistan : "Il faut discuter avec les talibans en mettant des conditions", affirme l'ex-ambassadeur de France Bernard Bajolet

Si L'Europe ne parle pas avec les talibans, ils vont "davantage se radicaliser" et la voie sera libre pour la Chine, la Russie, la Turquie et l'Iran, avertit le diplomate. "L'Europe doit compter sur elle-même."

Article rédigé par franceinfo
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Bernard Bajolet, ancien ambassadeur de France en Afghanistan de 2011 à 2013 (31 décembre 2011, à Kaboul). (JOEL SAGET / AFP)

L'Union européenne souhaitait obtenir un délai dans le retrait définitif des troupes américaines à Kaboul, afin de poursuivre les évacuations.  Mais le président américain Joe Biden a confirmé mardi la date butoir du 31 août pour terminer la "mission" de l'armée américaine en Afghanistan.

"Il faut que l'Europe discute" avec les talibans "en mettant des conditions", a déclaré mercredi 25 août sur franceinfo Bernard Bajolet, ancien ambassadeur de France à Kaboul, de 2011 à 2013, ancien directeur général de la sécurité extérieure, de 2013 à 2017.

franceinfo : Pourquoi les États-Unis ne restent-ils pas plus longtemps ?

Bernard Bajolet : Il y a eu un accord entre les États-Unis et les talibans en février 2020. Il prévoyait cette date butoir et l'engagement des talibans à ne pas permettre des attaques sur le sol américain à partir du sol afghan. Je pense que c'est cela qui motive le président Biden même s'il y a d'autres soucis comme le risque d'une attaque de Daech qui est un ennemi des talibans, aussi bien que des États-Unis et de l'Occident.

Faut-il discuter avec les talibans ?

C'est une évidence qu'il faut leur parler. Il y a dix ans, quand j'étais ambassadeur à Kaboul, on leur parlait puisque la France avait organisé le processus de Chantilly, c'est-à-dire un processus qui impliquait l'ensemble des forces politiques afghanes contrairement à ce qu'ont fait les États-Unis qui ne discutent qu'avec les talibans. Pour la troisième réunion à Chantilly en 2011, les talibans avaient envoyé des représentants importants.

Peut-on croire les talibans lorsqu'ils disent qu'ils ont changé ?

Il ne faut pas croire les talibans quand ils disent qu'ils ont changé, en tout cas ne pas prendre pour argent comptant ce qu'ils disent. Il faut les juger sur leurs actes.

"Il y a un point sur lequel ils ont changé c'est qu'en vingt ans, ils ont appris une chose sur le plan diplomatique, ils ont mieux compris ce qu'étaient les rapports de force internationaux".

Bernard Bajolet, ancien ambassadeur de France à Kaboul

à franceinfo

Ils auront besoin de la communauté internationale, que les banques rouvrent. Donc, leur idéologie n'a pas changé, ils sont toujours proche d'Al-Qaïda, mais leur approche est plus politique et de toute façon on n'a pas d'autres solutions que de discuter avec eux.

Que se passe-t-il si on ne discute pas avec eux ?

C'est le peuple afghan qui va souffrir le premier, ensuite cela veut dire que les talibans vont encore davantage se radicaliser, qu'il n'y aura plus de frein et cela veut dire qu'on laisse la place libre aux pays qui parlent aux talibans c'est-à-dire la Chine, la Russie, la Turquie, l'Iran.

À qui faut-il s'adresser ?

Ce n'est pas à nous de choisir. Ils vont s'organiser. On voit bien qu'il y a déjà un certain nombre de dirigeants talibans qui sont bien identifiés, qu'on connaît certains d'entre eux. L'Europe doit compter sur elle-même on l'a bien vu. Il faudra après le G7 des concertations entre Européens et savoir si c'est l'Europe qui discute avec les talibans et à quelles conditions. L'Europe a un poids économique. Il faut que l'Europe discute avec eux en mettant des conditions et c'est grâce à cela qu'on pourra atténuer un certain nombre de mesures que risquent de prendre les talibans à l'égard des femmes. C'est ainsi qu'on pourra tirer de leurs griffes certaines personnes qui nous ont aidés et qui sont restés en Afghanistan et qu'on pourra faire sortir certains de nos ressortissants encore là-bas.

N'est-ce pas une manière de lâcher l'opposition ?

Où est-elle ? Elle se bat encore dans certaines poches mais on n'est pas dans la situation de 2020, les choses ont beaucoup changé et on a laissé les talibans arriver au pouvoir.

"C'est l'Occident qui a échoué, qui est à l'origine de l'arrivée des talibans au pouvoir."

Bernard Bajolet

à franceinfo

Plusieurs Afghans arrivés ces derniers jours en France ont été placés sous surveillance. Ils sont soupçonnés d'avoir des liens avec les talibans. Quelle est la réalité de cette menace ?

Je n'ai pas tous les éléments, mais il y a un risque qui est moins le risque d'infiltration de talibans que le risque d'infiltration de Daech, voire d'Al-Qaïda. Pour Al Qaida il y a un engagement qui a été pris par les talibans, il faut veiller à ce qu'il soit tenu.

"Il est possible que Daech et Al-Qaïda tentent d'infiltrer les pays occidentaux, ils l'avaient fait en 2015 et c'est toujours un risque auquel il faut être attentif."

Bernard Bajolet

à franceinfo

Cela ne veut pas dire qu'il faut fermer le robinet de l'arrivée des réfugiés, mais cela veut dire une très grande attention et une absence d'improvisation et de précipitation.

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